Gestion : Phitrust retient une solution originale pour partager la valeur


Publié le 19 sept. 2023 à 11:03

Dans le monde de la gestion, Phitrust détonne. Cette petite société ressemble à un activiste, mais n’en est pas un. Si elle met la pression sur les dirigeants en jouant les trouble-fêtes aux assemblées générales , elle ne construit pas ses positions en fonction des actions qu’elle pourrait entreprendre pour empocher une plus-value.

En 2021, ce pionnier de l’investissement responsable était devenu une société à mission. Cet été, Phitrust a modifié ses statuts pour devenir une société anonyme à participation ouvrière, une Sapo. Confidentielle, cette forme de société, qui date de 1917, n’a jamais eu un grand succès. Un siècle après sa création, les Sapo se comptent encore sur les doigts d’une main.

Un statut tombé en désuétude

Quelques rares entreprises de presse comme « La Nouvelle République du Centre-Ouest » ou « Nice-Matin », qui avaient adopté ce statut, y ont renoncé. Air France est sans doute le cas le plus original. Au début des années 1990, la compagnie d’Etat a été une Sapo après avoir racheté l’Union de transports aériens (UTA). Aujourd’hui, quelques PME ont ce statut, comme Ambiance Bois dans le Limousin, ou Nova Construction, près de Pau.

Pourquoi la petite société de gestion a-t-elle choisi ce statut ? « C’est la seule solution juridique qui associe participation financière et participation à la gouvernance », explique Olivier de Guerre, président de Phitrust. Ce que ne permet pas l’intéressement ou la participation.

Des actions de travail

La société émet des actions de travail sans valeur nominale. Ces actions, gratuites, sont réservées aux salariés regroupés en une société coopérative de main-d’oeuvre (SCMO). Elles donnent droit à un dividende, mais aussi à un droit de siéger au conseil d’administration, proportionnel au pourcentage d’actions émises. Le nombre de ces dernières est libre et déterminé par la société. Chez Phitrust, les salariés ont reçu 10 % d’actions et un siège au conseil.

Tous les salariés ont droit à ces actions de travail. Ces titres ne sont pas des valeurs mobilières, contrairement aux titres détenus dans le cadre de l’actionnariat salarié. Ils n’ont pas de valeur définie car, en théorie, ils ne sont pas cessibles, sauf si la société est à vendre. Dans ce cas, les salariés touchent alors la contrepartie financière de leurs titres. Le retour à une société anonyme est toujours possible.

Le statut de Sapo a été actualis é dans la loi Pacte, qui a autorisé les sociétés à conseil de surveillance et directoire à l’adopter. Avant, ce statut était réservé aux sociétés à conseil d’administration. Le projet de loi examiné par l’Assemblée nationale cet été , et qui veut imposer aux entreprises de 11 à 49 salariés de mettre en place au moins un dispositif de partage de la valeur si elles sont profitables, exempte les Sapo d’une telle obligation. Et pour cause, elles le font déjà.

Dans les débats actuels pour valoriser le travail et sur le dividende salarié, la Sapo a peut-être plus d’avenir. Certains veulent y croire. Pierre Valentin, un ancien dirigeant du Crédit Coopératif, a monté avec Roger Daviau, auteur d’un livre « La démocratie au travail, la Sapo » l’Association de promotion des sociétés à participation ouvrière (AP’Sapo). Début septembre, lors d’un colloque sur l’actionnariat salarié pour la démocratie économique, il a même présenté les spécificités de cette société à des universitaires et des experts étrangers, venus pour la plupart d’Amérique latine.



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