Impact France, le « Medef des entreprises engagées », fait sa révolution


Publié le 17 avr. 2023 à 8:30

Impact France s’apprête à prendre un nouveau cap. L’organisation patronale aussi surnommée le « Medef des entreprises engagées » change de direction.

Le renouvellement de la coprésidence sera effectif le 24 mai prochain à l’issue de l’assemblée générale du Mouvement Impact France. Le suspense sur les noms de la prochaine codirection est mince, car seul un tandem est candidat à ce poste. Il s’agit de Pascal Demurger, directeur général de la MAIF, et Julia Faure, cofondatrice de la marque de vêtements Loom. Les deux dirigeants dévoilent, en exclusivité pour « Les Echos », les raisons qui les poussent à prendre la tête de cette organisation patronale.

L’intégration de grandes entreprises

Sur son mandat de trois années, le tandem propose de transformer l’association, qui représente 1.200 entreprises et d’importants réseaux comme B Corp (rassemblant 4.000 entreprises), Commerce Equitable ou le Réseau des entrepreneurs chrétiens (fédérant 3.600 sociétés) en un « mouvement plus puissant et plus connu », lance Pascal Demurger. Cela passe par l’intégration de grandes entreprises. L’assureur a déjà proposé d’intégrer la SNCF, Doctolib, Nature & Découvertes ou encore KPMG France aux instances de l’association.

Pour aller plus loin, « il faut réussir à établir le lien entre engagement et performance pour faire de la France la première économie à impact positif », estime Pascal Demurger qui compte s’appuyer sur l’exemple de la MAIF. « Nous avons besoin d’une transformation systémique. Il faut donc que notre mouvement ait un pouvoir représentatif et d’influence », abonde Julia Faure. Les deux dirigeants souhaitent ainsi réunir le plus grand nombre d’entreprises déterminées à changer le système, plutôt qu’une minorité d’acteurs exemplaires.

« Impact score »

Mais cette doctrine fait grincer des dents certains adhérents qui redoutent une dilution des engagements. « Ce n’est pas parce qu’on élargit le mouvement que l’on affaiblit nos propositions. Notre cap reste clair et radical : c’est celui du respect des limites planétaires, du partage des richesses et de la transformation de l’économie », répond Julia Faure. « On doit juger les entreprises sur leurs pratiques mais aussi sur leurs intentions sincères de se transformer », avance celle qui a été élue « jeune leader positif » 2023 par « Les Echos Start ».

Toutes les entreprises n’ont toutefois pas vocation à intégrer l’association. « On va limiter l’entrée au respect de certains critères », rassure Pascal Demurger. Le niveau de réponse à l’Impact score, l’outil développé par Impact France pour mesurer le degré d’engagement d’une entreprise, « peut devenir le critère d’adhésion », précise l’assureur. « L’idéal serait que le mouvement devienne une référence », ajoute-t-il. Ainsi, l’Impact score serait « un indicateur pour flécher les aides d’Etat, adapter la fiscalité, privilégier les entreprises engagées lors d’appels d’offres publics », défend le tandem.

La nouvelle envergure du mouvement pourrait l’aider à concrétiser ses propositions. Le but est en effet de devenir un interlocuteur du gouvernement pour peser dans le débat public et « changer les règles », répète Julia Faure. Par exemple, « le taux d’imposition des sociétés pourrait dépendre de la nature de l’affectation du résultat », défend Pascal Demurger.

Autrement dit, le versement de dividendes aux actionnaires serait davantage taxé que si le bénéfice est réinvesti ou s’il finance des actions écologiques et sociales comme avec le « dividende écologique » récemment lancé par la MAIF. L’indexation des rémunérations des dirigeants sur des critères sociaux et environnementaux est aussi une piste défendue par le tandem, même si l’efficacité d’une telle mesure reste à démontrer.

« Gagner la bataille culturelle »

Pour atteindre ces objectifs, le binôme veut « gagner la bataille culturelle » en faisant émerger une autre parole du patronat que celle du Medef. « Il faut que les entreprises qui prennent en compte l’intérêt général et le bien commun puissent se faire entendre », défend Julia Faure. « Il y a une nécessité et même une urgence à avoir une pluralité de représentations patronales, avec des nuances, des sensibilités et des objectifs différents », complète Pascal Demurger, précisant que son projet est vu d’un bon oeil par l’actuel patron du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux .

Il faut réussir à établir le lien entre engagement et performance pour faire de la France la première économie à impact positif.

Pascal Demurger Directeur général de la MAIF

Mais les dirigeants réfutent le surnom de « Medef Tchoupi » accolé par certains à leur projet. « Vouloir transformer l’économie est une ambition extrêmement forte mais ce n’est pas un rêve », assure Pascal Demurger. « Ce qui est naïf, c’est de croire que tout va bien et que nous n’avons pas besoin de transformer l’économie. On est très loin d’être des doux rêveurs, c’est notre pragmatisme qui nous emmène à la tête de ce mouvement », enchérit Julia Faure.

Les deux chefs d’entreprise affirment avoir déjà « fait la démonstration qu’un changement est possible et même profitable ». Reste à convaincre de nouveaux adhérents tout en ménageant les historiques du mouvement.



Lien des sources