la difficile équation de Barnier l’écolo




« On a du pain sur la planche », confiait, mardi soir, un conseiller du cabinet d’Agnès Pannier-Runacher. Plan national d’adaptation au changement climatique (Pnacc), troisième stratégie nationale bas carbone (SNBC, la feuille de route de baisse des émissions de la France par secteur), programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE)… Les dossiers environnementaux les plus structurants, en souffrance depuis des mois, vont enfin être relancés par la nouvelle ministre de l’Écologie, dont les compétences ont été amputées du Transport et du Logement. Et il faudra aller vite, a clairement signifié le Premier ministre lors de son discours de politique générale : en plaçant sur le même plan « dette économique » et « dette écologique », deux « épées de Damoclès » aussi « redoutables » l’une que l’autre, Michel Barnier a fixé ses priorités.

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L’écologie « sera au cœur de notre action », a martelé l’ancien ministre de l’Environnement. Mais si son insistance à mettre le climat et la biodiversité en avant a été remarquée (Gabriel Attal, à l’inverse, n’en avait pas fait un axe majeur d’action), sa philosophie tranche sensiblement avec les politiques conduites sous les gouvernements précédents, au point d’inquiéter les associations. « Si Michel Barnier en appelle à “faire plus” pour lutter contre le changement climatique, l’annonce de plusieurs mesures concrètes pour accélérer la transition ressemble plutôt à des reculs », a réagi le Réseau action climat (RAC), quand l’Insoumis Alexis Corbière dénonce « un détricotage en règle ». Pour Greenpeace, « le Premier ministre parle d’une “écologie des solutions”, mais les solutions évoquées font plutôt partie du problème : nouveaux réacteurs nucléaires, recours accru à la biomasse à des fins énergétiques, biocarburants pour l’aviation… »

Amplifier l’électrification

Des reculs ? Dans un contexte budgétaire extrêmement contraint, Michel Barnier les assume, prônant une écologie pragmatique, compatible avec la croissance économique, et « tenant compte des enseignements des dernières élections », plaide son entourage, qui ont vu les candidats EELV s’effondrer aux européennes comme aux législatives, sèchement désavoués par des électeurs fâchés d’un certain nombre de mesures jugées « punitives », en tout cas mal préparées.

Pour le Premier ministre, la lutte contre le réchauffement climatique passera d’abord par le développement à la fois du nucléaire et des énergies renouvelables, afin d’accélérer la décarbonation des usines et le développement de « nouvelles industries de la transition ». Comme le gouvernement précédent, il plaide pour le développement des biocarburants, et par des offres de transport dans les zones périurbaines et rurales, où « des millions de travailleurs n’ont pas aujourd’hui d’autre choix que la voiture ». Mais de la façon dont seront financées, ou même accompagnées, ces nouvelles ambitions, il n’a pas été question, pas plus que du soutien à la voiture électrique, dont les financements sont menacés dans le prochain budget.

DPE, MaPrimeRénov et ZAN recadrés

Cette « écologie des solutions » devra aussi réformer des politiques impopulaires, ou jugées mal conçues. Annonce la plus symbolique : Michel Barnier promet une simplification du DPE, et une « adaptation » de son calendrier. Objet de nombreuses critiques, le diagnostic de performance énergétique, qui doit permettre la rénovation des passoires thermiques, favorise, tel qu’il est conçu, le chauffage au gaz au détriment de l’électricité, pourtant moins polluante. Et l’interdiction des logements classés G au 1er janvier 2025 (2028 pour les F, 2034 pour les E), en pleine crise de l’immobilier, soulève des levées de boucliers.

S’il n’a pas avancé de détails, un rabotage du dispositif MaPrimeRénov est aussi à prévoir, afin de « mieux cibler l’accompagnement des entreprises et des particuliers ». Autre « recul » symbolique : un assouplissement de la loi ZAN (pour zéro artificialisation nette), issue de la Convention citoyenne pour le Climat, qui impose de réduire de moitié la consommation de foncier d’ici à 2031, par rapport à la décennie précédente (2011-2021), pour atteindre le ZAN en 2050. Dans les faits, la loi limite déjà drastiquement les nouvelles constructions, alors que l’état réel de l’occupation des sols en France n’est pas encore connu : l’Observatoire de l’artificialisation, qui travaille avec l’IGN et le Cerema, n’envisage pas de l’achever avant 2025.

Aujourd’hui, un jardin public verdoyant et une bande de bitume sont tous les deux considérés comme artificialisés, et classés dans le même référentiel. Ce qu’avait brutalement dénoncé Laurent Wauquiez, en annonçant en fanfare se retirer du système. Les remontées de terrain de milliers de maires sans ressources foncières, totalement bridés dans leur développement, affolent les sénateurs depuis des mois. « Il faut revitaliser la construction de logements », a détaillé Michel Barnier. « Pour construire, il faut du foncier. Nous devons faire évoluer de façon pragmatique et différenciée la réglementation ZAN pour répondre aux besoins essentiels de l’industrie et du logement. » Une adaptation particulièrement attendue par les collectivités, rurales notamment, mais qui indigne particulièrement les associations environnementales…

Qui redoutent un certain attentisme, sentiment conforté par l’annonce d’une énième « conférence nationale sur l’eau »… Alors même que les Assises de l’eau organisées en 2018, le Varenne agricole de l’eau et du changement climatique en 2022, et le Plan eau lancé en 2023 ne se sont pas traduits par la moindre réalisation. Michel Barnier, qui promettait d’« agir plus que de communiquer et d’agir avant de communiquer », devra prouver qu’il peut s’appliquer ce précepte. « Faire plus, avec moins. » Une gageure.




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