La France essuie le pire déficit commercial de son histoire


Publié le 7 févr. 2023 à 9:02

Quand le ministre de l’Economie Bruno Le Maire se félicite de la résilience de l’économie française l’an dernier, il occulte les pertes abyssales du commerce extérieur, un des marqueurs de la compétitivité de notre pays. En 2022, le déficit de la balance commerciale des biens a, en effet, pour la première fois, dépassé les 160 milliards d’euros, à précisément 164 milliards. Si ce n’est pas une surprise, ce chiffre est néanmoins nettement supérieur aux 156 milliards d’euros de pertes anticipés par l’exécutif et près du double des 85 milliards enregistrés un an plus tôt. Pour mémoire, le trou était inférieur à 60 milliards en 2019 avant l’épidémie de Covid-19.

En revanche, les échanges de services enregistrent un excédent record de 50 milliard d’euros, après 36 milliards en 2021, porté par le retour des touristes étrangers en France et la bonne santé du fret maritime et des services financiers. La balance des revenus affiche elle aussi un excédent de 31 milliards.elle aussi améliorée Excédentaire en 2021, la balance courante de la France -qui comprend aussi les revenus des investissements directs à l’étranger) – a plongé dans le rouge l’an dernier. Ces bonnes nouvelles méritent d’être mentionnées

Facture énergétique en hausse de 70 milliards

Après la crise sanitaire, les tensions géopolitiques liées à l’invasion de l’ Ukraine par la Russie ont évidemment pesé. Malgré un ralentissement du commerce mondial, les exportations hexagonales ont certes fortement rebondi en valeur, de 18%.

Elles n’ont toutefois pas compensé les importations, dont la valeur a mécaniquement été gonflée par la flambée des cours de l’énergie et la dépréciation de l’euro face au dollar, de 11% en moyenne. In fine 86% de l’aggravation du déficit extérieur sur un an a été liée à l’envol de lafacture énergétique. «Les coûts de l’énergie ont doublé par rapport à 2021» a rappelé le ministre du Commerce extérieur et de l’attractivité Olivier Becht. Les achats de gaz par exemple ont été multipliés par 2,4. La France a également dû importer de l’électricité. Résultat, la facture énergétique est passée en un an de 45 milliards d’euros à 115 milliards.

Aggravation du déficit hors énergie

Si cette situation n’est pas spécifique à la France et touche tous ses voisins, elle s’inscrit dans la continuité d’une dégradation continue du commerce extérieur tricolore. En 2022, le déficit hors énergie s’est lui aussi aggravé. «Il explique près de la moitié du déficit de la balance des biens», a précisé Olivier Becht. Des secteurs tels la production agricole, les cosmétiques, la parfumerie, ou la pharmacie ont certes enregistré une forte poussée de leurs ventes à l’étranger. Mais l’aéronautique, secteur clé à l’export n’a pas retrouvé ses niveaux de ventes d’avant le Covid. Au delà, «vingt-cinq ans de désindustrialisation, cela se paie ! », a reconnu Olivier Becht.

Tout en se félicitant de la hausse du nombre de sociétés françaises exportatrices passées de 130.000 à 144.00, le ministre a aussi pointé la faiblesse des PME françaises à l’exportation.

« Si l’on compare par rapport à 2019, seule 60% de la détérioration du déficit commercial en 2022 découle de l’énergie, 40% provient de l’aggravation du déficit hors énergie et la dégradation concerne toutes les branches de l’industrie », observe Olivier Redoules, économiste chez Rexecode.

Dans des travaux récents , l’expert montre d’ailleurs qu’entre 2019 et 2022, la part des exportations françaises de biens dans le total de la zone euro a reculé de 0,9 point.

Possible amélioration

Olivier Redoules estime toutefois qu’une amélioration est possible cette année: «Le déficit commercial hors énergie pourrait se réduire en 2023, estime-t-il. Les ventes d’aéronautique et d’automobile devraient rebondir avec l’attenuation des contraintes pesant sur la production. Par ailleurs les nouvelles conjoncturelles sont plutôt positives ». Pour le reste « la situation est trop incertaine et dépendra de l’évolution du contexte énergétique ». Dans son projet de loi de finances pour 2023, Bercy table en tous cas sur un déficit toujours très élevé, de 154 milliards d’euros cette année.



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