« La scission est actée » : la nouvelle direction de LFI chahutée


L’absence de certaines figures du mouvement au sein de la nouvelle direction a fait ressurgir certaines haines recuites. Au point de créer « deux camps ».






Par Sébastien Schneegans


Manuel Bompard devrait prochainement prendre les renes de La France insoumise.
Manuel Bompard devrait prochainement prendre les rênes de La France insoumise.
© CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP

Il a suffi de dévoiler, samedi 10 décembre, les noms des membres de la nouvelle instance de direction de La France insoumise (LFI) pour que les querelles d’ego, les haines recuites et les profondes divergences sur le fonctionnement du mouvement ressurgissent. Les principales figures du mouvement – Clémentine Autain, François Ruffin, Alexis Corbière, Raquel Garrido et même Éric Coquerel, lieutenant historique de Jean-Luc Mélenchon – ne figurent pas dans la liste et n’ont même pas, pour la plupart, été conviées aux agapes, à Paris. Pis encore, selon les principaux intéressés : le lieu de rendez-vous avait été jalousement tenu secret et ils ont appris leur « éviction » en même temps que les journalistes.

La méthode de désignation du nouveau chef interroge également : Manuel Bompard, fidèle parmi les fidèles de Mélenchon qui devrait prochainement être officiellement nommé coordinateur national du mouvement, n’a pas été élu par les militants mais « désigné », par consensus, par ses camarades Insoumis. Clémentine Autain, qui appelle en une de Libération à « démocratiser LFI », a aussitôt dénoncé « une méthode qui fait taire toute critique ».

À LIRE AUSSIFrançois Ruffin, l’autre ambitieux d’AmiensL’élue de Seine-Saint-Denis regrette qu’« après trois mois de travail à huis clos et malgré des avancées, le repli et le verrouillage [aient] été assumés de façon brutale. » François Ruffin, qu’une partie des députés LFI, dont Manuel Bompard, ne supporte plus, y voit quant à lui un « consensus d’un petit groupe qui s’est mis d’accord avec lui-même ». Lundi matin, Bompard s’est contenté de leur rétorquer qu’ils se focalisaient sur un « problème de riches », avant de les prier d’« éviter d’étaler ces discussions sur la place publique ».

« Deux camps »

« Que Ruffin ne figure pas dans la liste était prévisible. Il le savait et joue la surprise. En revanche, Clémentine Autain est vraiment tombée de haut. Elle voulait faire partie du pôle communication mais le poste a été préempté par Sophia Chikirou. La scission s’est actée entre un cercle très restreint de proches de Jean-Luc qui conservent un pouvoir décisionnel et ceux qui sont considérés comme des potentiels frondeurs », décrypte un élu LFI. « Il y a clairement deux camps, les décisionnaires et les pestiférés, fulmine un autre, sous couvert du strict anonymat. Mélenchon, qui tire toujours les ficelles en coulisse, applique à la lettre la maxime de Lénine : “Le parti se renforce en s’épurant.” »

Mélenchon, qui tire toujours les ficelles en coulisse, applique à la lettre la maxime de Lénine : “Le parti se renforce en s’épurant.”Un député LFI

« Ils réagissent comme cela parce qu’ils ne connaissent pas le mouvement. Il est normal qu’il y ait une prime à ceux qui militent au sein du mouvement depuis des années, leur répond Gabriel Amard, député du Rhône. Ensuite, certains devraient garder à l’esprit que Jean-Luc ne fait pas partie de la direction. Il sera certainement membre, comme Clémentine et François s’ils le souhaitent, d’un conseil politique qui se réunira tous les mois à partir de janvier. Mais il ne faut pas lui prêter d’autres prétendus pouvoirs. »

À LIRE AUSSIAffaire Quatennens, corrida : la Nupes tangueCertains, dans le « camp » des élus choisis par Mélenchon, invitent à relativiser la séquence. Il ne s’agirait, assurent-ils, que d’un moment offrant une tribune à « quelques députés qui ont besoin de lumière médiatique ». Ces réactions, jurent-ils, n’impacteront pas le mouvement. Reste que la création de cette nouvelle instance de direction aura eu une conséquence inattendue : le rapprochement de François Ruffin et de Clémentine Autain… En vue de la présidentielle 2027 ? « Alors qu’ils ne sont pas, d’ordinaire, particulièrement proches, ils discutent assez régulièrement en ce moment, observe un jeune Insoumis. C’était peut-être une façon pour Mélenchon de les tester en leur disant : “Alors, vous vous épanchez sur vos ambitions dans la presse ? ! Mais allez-y, personne ne vous retient !” Ça les fera peut-être réfléchir… »




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