Le chômage appelé à encore s’aggraver en 2024 en France


L’euphorie sur le marché du travail est bel et bien finie en France. Au quatrième trimestre 2023, le taux de chômage, hors Mayotte, a atteint 7,5 % de la population active , selon les données publiées ce mardi par l’Insee. Il dépasse de 0,4 point le niveau qu’il affichait fin 2022.

Alors qu’il avait perdu plus de 2 points depuis l’élection d’Emmanuel Macron, pour tomber à 7,1 % – un plus bas depuis 1982 -, la courbe est repartie à la hausse depuis le printemps. Fin décembre, le pays comptait 2,3 millions de chômeurs, au sens du Bureau international du travail (BIT), soit 29.000 de plus que fin septembre.

Le plus dur à venir

Petite consolation : après deux trimestres consécutifs de progression, le taux de chômage s’est stabilisé en fin d’année. Pour Gilbert Cette, professeur à Neoma Business School, il y a même une bonne surprise dans les statistiques dévoilées par l’Insee : « Le taux d’emploi a continué d’augmenter à 68,4 % au quatrième trimestre 2023 et est désormais supérieur de 1,6 point à son niveau de 2019. C’est le chiffre qui mesure la réussite des réformes qui ont été engagées », souligne-t-il.

Le plus dur pourrait toutefois être à venir : en janvier, pour la première fois depuis avril 2021, l’indicateur du climat de l’emploi mesuré par l’Insee est passé sous sa moyenne de longue période laissant entrevoir des perspectives moroses sur le marché du travail au cours des prochains mois, en dépit de déclarations d’embauches encore élevées.

La France comme ses voisins européens subit de plein fouet les effets du resserrement de la politique monétaire : depuis plusieurs mois, l’activité économique stagne et la reprise s’annonce poussive. « Alors que depuis 2021, les entreprises embauchaient et investissaient massivement car elles avaient confiance dans l’avenir, ce n’est plus le cas aujourd’hui », observe Eric Heyer, directeur du département analyse et prévision de l’OFCE.

Redressement de la productivité

Sinistré par la remontée brutale des taux d’intérêt, le secteur de la construction s’attend à des pertes d’emploi massives. Les défaillances d’entreprises s’accélèrent elles aussi entraînant dans leur sillage des destructions de poste. Dans ce contexte, les instituts de conjoncture tablent tous sur une remontée du taux de chômage cette année.

Au tarissement des créations d’emploi lié à la dégradation de la conjoncture vont s’ajouter dès cette année les effets du report progressif de l’âge légal de départ à la retraite , de 62 ans à 64 ans, qui accroît la population active. Dans ses prévisions de mi-décembre, l’Insee voit ainsi le taux de chômage monter à 7,6 % au premier trimestre puis se stabiliser au printemps. La Banque de France pense, elle, qu’il va grimper à 7,6 % en 2024 et à 7,8 % en 2025.

Plus pessimiste encore, l’OFCE table sur un chiffre proche de 8 % dès cette année. Cette projection mise sur un accroissement de 0,6 % de la population active sur la période 2023-2024 lié à la réforme des retraites, mais fait l’hypothèse que 20 % de ces 177.000 actifs supplémentaires seront au chômage.

Par ailleurs, alors que la productivité du travail a lourdement chuté depuis la pandémie de Covid, les entreprises devraient commencer à corriger le tir, selon Eric Heyer « Les gains de productivité vont accélérer », assure-t-il. Avec le ralentissement économique, une partie des emplois maintenus grâce au « quoi qu’il en coûte » pourraient être détruits. La rétention de main-d’oeuvre au sein des entreprises devrait également devenir moins fréquente.

Effet récessif

Pour le gouvernement qui vise le plein-emploi à horizon 2027, cette dégradation attendue du marché du travail n’est pas une bonne nouvelle. Ce d’autant que l’année s’annonce plus compliquée qu’anticipé. Dans les prochains jours, Bercy devrait réviser à la baisse sa prévision de croissance pour 2024, probablement autour de 1 %. Ce qui pourrait l’obliger à trouver 10 milliards d’euros d’économies supplémentaires afin de tenir son objectif de déficit budgétaire. « Cela va forcément avoir un effet récessif sur la croissance », prévient l’expert de l’OFCE. Au risque de déprimer un peu plus l’emploi et de complexifier l’équation de l’exécutif.

« La direction du chômage en France est absolument décisive pour les perspectives de finances publiques », rappelle Bruno Cavalier, chef économiste d’Oddo BHF dans une note publiée en novembre dernier, tout en soulignant que « devant les réticences des gouvernements à réduire les dépenses publiques, quels qu’ils soient, la seule voie pour ramener le déficit sous 3 % en 2027 est que l’emploi augmente ».



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