Le Congrès des maires, la démonstration de force de David Lisnard

L’immense pavillon 5 du Paris Expo de la porte de Versailles a pris des allures de vaste ruche bourdonnante. La foule se presse. Le 105e Congrès des maires et des présidents d’intercommunalité fait le plein : 60 000 accrédités, 10 000 élus inscrits (ils étaient 6 000 l’année dernière). 39 débats vont se dérouler sur la transition énergétique, les finances locales, la politique alimentaire, l’équilibre rural/urbain, les assurances, l’école, et surtout, bien sûr, la sécurité pour des élus en première ligne face aux fractures de la société, et eux-mêmes de plus en plus physiquement exposés – le thème générique de cette année est « Communes attaquées, République menacée ».
Durant trois jours – jusqu’au jeudi 23 novembre – quinze ministres se succèdent : c’est un record. Tant pis si le président Macron, comme l’année dernière, ne sera pas présent – il a préféré, comme en 2022, recevoir 1 000 élus à la présidence. « C’est le congrès des maires, pas celui de l’Élysée », répète le président de l’association des maires de France (AMF), puissance invitante, David Lisnard, soulignant : « L’exécutif va être présent comme jamais. »
Décomplexé par Jouyet
Le maire (LR) de Cannes, qui monte en puissance dans le débat public, construisant brique après brique sa proposition – il a inauguré à la rentrée en fanfare le siège parisien de son mouvement Nouvelle Énergie –, célèbre « le rassemblement de la France réelle, la France qui se bouge ». Signe d’attrait, un espace librairie accueillera – pour la première fois – pour les dédicaces de leurs ouvrages François Hollande, Alain Juppé, Édouard Philippe, Laurent Fabius. « C’est ici que cela se passe », dit avec un sourire gourmand un Lisnard monté sur ressorts. Qui plaide pour « trancher le nœud gordien qui conduit à ce que trop d’administration tue le service public ». « La France a le record du monde des prélèvements obligatoires et de la dépense publique », fulmine le chef de file des édiles, lequel, libéral, avance « une proposition de libération des collectivités locales pour en finir avec la recentralisation ». Une fiscalité qui place les communes « sous perfusion » de l’argent public – « Ce n’est pas nous qui avons demandé à être dépendants des dotations de l’État ! » –, une organisation qui les met en position de « tutélisation » dans le choix des dépenses publiques… Haro sur l’État profond ! « Je ne croyais pas trop à ce concept, glisse David Lisnard, le livre de Jean-Pierre Jouyet, qui a occupé tous les postes prestigieux au sommet de l’État, et pointe notamment la consanguinité des élites, m’a complètement décomplexé. »
Et l‘élu local, qui continue de monter à droite et installe progressivement dans les esprits un possible duel avec Laurent Wauquiez en vue de la présidentielle de 2027, de fustiger « la suppression du cumul des mandats qui amène à des antagonismes entre le local et le national ». Le président de l’AMF ne lâche pas son obsession d’une sur-bureaucratisation qui entrave les énergies. « Le maire de Nantua m’a montré une lettre de l’administration lui interdisant de mettre un cygne sur le lac de la commune. Des exemples comme celui-ci, j’en ai plein ; je pourrais rédiger un Livre noir de l’Absurdistan. » Et Lisnard de s’en remettre en la matière, comme en d’autres, à Pompidou, auquel il voue un culte et qui disait, en substance : quand on prend une mesure il faut avoir la faculté de se l’appliquer à soi-même… Le chef des maires se déploie tous azimuts. Lui qui, avec succès, avait appelé à une minute de silence devant les mairies de France pendant les émeutes urbaines de l’été, a décidé lors de ce congrès de rendre des hommages à Samuel Paty – en présence de sa sœur – et Dominique Bernard, « assassinés tout simplement parce qu’ils enseignaient la raison critique », ainsi qu’aux otages français du Hamas ou aux victimes chrétiennes, souligne-t-il, en Arménie.