Le coup de colère d’Emmanuel Macron contre les syndicats et le patronat

Publié le 21 nov. 2023 à 18:03Mis à jour le 21 nov. 2023 à 18:18
Comme piqué au vif. Visiblement, Emmanuel Macron n’a toujours pas digéré l’accord sur le régime de retraite complémentaire Agirc-Arrco scellé entre les syndicats et le patronat. Ni la petite musique qui monte jusque dans la majorité et au gouvernement sur les doutes quant à sa capacité réformatrice pour la suite de son deuxième quinquennat.
Ce mardi, devant un parterre de chefs d’entreprise à l’Elysée, à l’occasion du lancement d’un programme d’accompagnement des PME , celui qui s’est toujours méfié des corps intermédiaires comme de ses ministres ou ex-ministres ambitieux a mis les points sur les i. « Réveillez-vous ! », a-t-il lancé après un plaidoyer pro domo sur sa politique économique et la série de réformes lancées depuis 2017… « Réveillez-vous ! Nous ne sommes pas arrivés », a encore cinglé le chef de l’Etat dans un coup de colère dont il a le secret.
« Redistribuer et revenir en arrière »
Après s’être félicité d’une baisse inédite du taux de chômage, qui vient de repartir à la hausse , celui dont la promesse de campagne en 2022 est le plein-emploi en 2027 a lâché : « On va devoir continuer à mettre beaucoup d’énergie collectivement pour le pays et continuer à avancer parce que je vois, avec inquiétude, le discours ambiant. » Et de préciser sa pensée, en visant notamment les partenaires sociaux et plus particulièrement, sans le nommer, le Medef, les accusant, sur les retraites ou l’assurance-chômage – quelques jours après leur accord – de vouloir « redistribuer » et « revenir en arrière », « mettre sur pause les réformes ».
« On est à 7 % de taux de chômage, et dans tous les secteurs, des entreprises n’arrivent pas à embaucher », a-t-il continué, ajoutant « qu’on a des finances publiques qui ne [lui] donnent pas le sentiment qu’on puisse relâcher l’effort non plus. » Et tant pis si lui-même n’a pas toujours donné le sentiment d’être très à cheval sur le sujet.
« Mauvais compromis »
Emmanuel Macron a appelé les chefs d’entreprise à redoubler « d’énergie et de courage » pour faire les réformes. « Je parle en connaissance de cause, parfois même, on se retrouve tout seul et c’est pas grave », a encore lancé celui qui n’a pas digéré non plus la discrétion du patronat – Medef en tête – pendant la réforme des retraites ou aujourd’hui sur la régularisation des étrangers sans papier qui travaillent. Et de charger les récents accords des partenaires sociaux, en particulier celui de l’Agirc-Arrco qu’il critique pour redistribuer aux bénéficiaires du régime complémentaire ce que la réforme du régime général, en repoussant l’âge, lui aura fait gagner.
« Quiconque pense que le temps est au repos, au mauvais compromis, c’est-à-dire celui qui se fait contre l’énergie de l’Etat, de la société civile, […] quiconque pense que l’on pourrait ralentir alors que certains de nos voisins entrent en récession, que les tensions géopolitiques sont mauvaises pour l’économie, on ne vit pas dans le même monde », s’est-il agacé.
Ciel assombri sur le front de l’emploi
La diatribe risque de ne pas réchauffer les relations avec le Medef. Mais Emmanuel Macron a formulé « beaucoup d’espoir » – manière de faire pression ? – dans l’agenda de négociations des partenaires sociaux, le jour où le gouvernement devait transmettre aux partenaires sociaux le document d’orientation pour leur négociation sur l’emploi des seniors .
Il a aussi assuré que la baisse des impôts allait continuer. Mais a-t-il prévenu, visant les chefs d’entreprise qui ne voudraient pas faire d’effort sur les salaires ou le partage de la valeur, « ces baisses d’impôts ne peuvent pas financer des non-décisions des partenaires sociaux ».
Alors que le ciel sur l’emploi s’assombrit et que l’exécutif s’attend à des mois à venir « délicats à gérer dans l’opinion sur le sujet », dixit un proche, Emmanuel Macron avait visiblement envie, selon une de ses expressions, de « mettre le singe » sur l’épaule des partenaires sociaux. Nul doute aussi qu’il espère calmer un peu ceux qui, regardant déjà vers 2027, voudraient l’enterrer trop vite.