Le gouvernement relance le débat sur la consigne des bouteilles en plastique


Publié le 28 janv. 2023 à 15:07

Le sujet avait provoqué une véritable passe d’armes en 2019 , il revient à l’agenda en ce début d’année. La secrétaire d’Etat chargée de l’écologie, Bérangère Couillard, lance ce lundi 30 janvier une concertation sur la consigne des bouteilles en plastique. « Nous allons réunir 70 parties prenantes (industriels, collectivités locales, associations) afin de mettre à plat les grandes questions. Il s’agit de pouvoir prendre une décision à partir du mois de juin, comme nous l’impose la loi », explique-t-on au ministère.

L’idée est de facturer 15 ou 20 centimes supplémentaires les boissons vendues dans des bouteilles en plastique. Ces dernières seraient ensuite remboursées aux consommateurs qui rapporteraient leurs bouteilles vides dans des « machines à déconsigner » déployées dans divers points de collecte. Une pratique à l’oeuvre dans de nombreux pays, mais qui avait créé une telle bronca lors du vote de la loi « antigaspillage pour une économie circulaire » (Agec), fin 2019, que les parlementaires avaient instauré une clause de revoyure en 2023 .

Objectif européen

L’objectif final est d’atteindre le taux de collecte des bouteilles en plastique imposé par Bruxelles, de 77 % en 2025 et de 90 % en 2029. On en est loin. Selon le dernier rapport de l’éco-organisme pour les déchets ménagers et les papiers Citeo, il était de 59 % en 2021. « La poubelle jaune est encore trop peu utilisée, mais c’est surtout hors des foyers que le geste de tri est insuffisant », souligne Bertrand Bohain, le délégué général du Cercle national du recyclage, qui représente essentiellement les collectivités locales.

La trajectoire actuelle permettra-t-elle à la France de respecter l’objectif européen ? « Seuls les pays qui ont mis en place la consigne, comme l’Allemagne ou la Norvège, atteignent des niveaux supérieurs à 95 % », souffle un industriel. La question n’est pas tranchée. Le gouvernement a demandé à l’Ademe de réaliser une nouvelle étude qui doit être remise d’ici à juin.

Les collectivités chargées de collecter les déchets et de les trier, sont vent debout contre l’idée. Leurs arguments sont à la fois écologiques et économiques. « En compliquant le geste de tri, la consigne risque de décourager les gens sur le tri des autres déchets, et réduire le contenu des poubelles jaunes », estime Bertrand Bohain. « Et le fait de devoir transporter ses bouteilles à un centre de collecte générera aussi des émissions ».

Manque à gagner

Elles craignent aussi d’avoir du mal à rentabiliser leurs centres de collecte et de tri car le PET (polyéthylène téréphtalate) qui compose les bouteilles est l’une des matières les mieux valorisées une fois recyclées. « Sans même parler du coût des quelque 40.000 machines qui seront nécessaires, évalué entre 300 et 500 millions d’euros, ou du manque à gagner sur l’éco-contribution prélevée sur les articles emballées, qui fera défaut aux collectivités et pourrait atteindre, selon nos estimations, 200 millions d’euros », poursuit Bertrand Bohain.

Du côté des gestionnaires de services de collecte et de tri de déchets pour le compte des collectivités locales et des recycleurs, on souligne tout autant le risque de déséquilibrer la filière. Pour autant, ces opérateurs reconnaissent que « le système actuel peut-être amélioré ». « Au lieu de jeter tout un système, il y a des sujets non traités dont on pourrait enfin s’occuper », observe notamment le président de la Fédération nationale des activités de la dépollution et de l’environnement (FNADE), Antoine Bousseau, qui pointe lui aussi « les résultats très contradictoires » de la France selon les territoires.

« Cela fait partie du débat », estime également le directeur général de Citeo, Jean Hornain, tout en mentionnant divers « leviers » tels la simplification du geste de tri, l’éco-conception des produits, l’éducation, ou encore la réduction des déchets. « Depuis 30 ans, la France a suivi sa propre voie. La consigne, c’est un autre système », rappelle le directeur général de l’éco-organisme, avant de prévenir à son tour : « Il y aura un déséquilibre avec la consigne ».

Compromis

Les producteurs de boissons comme Danone, Coca-Cola ou Nestlé, plaident de leur côté vigoureusement pour la consigne. Ils ont eux-mêmes des obligations d’incorporation de matières premières recyclées dans leurs bouteilles en plastique, de 20 % en 2025 et de 30 % en 2030 – et certains visent un taux bien supérieur. « Sans la consigne, nous n’y parviendrons pas », explique-t-on chez un industriel, qui se dit même déjà prêt à mettre la main au porte-monnaie. « On accepte de financer un système qui nous permet de remplir nos obligations ».

Avec la concertation qui s’ouvre ce lundi, le gouvernement espère trouver un compromis qui satisfasse tous les acteurs. La partie s’annonce serrée. « Il est souhaitable qu’une vraie concertation ait enfin lieu. On en a besoin. On a un enjeu national », déclare dans l’immédiat le directeur de Citeo. « Après l’épisode de 2019, il faut retrouver un esprit constructif », renchérit le président de la FNADE.



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