le nord-est des États-Unis suffoque




Cette année marquait le grand retour du Festival du film de Tribeca, auquel on peut à nouveau assister en personne, dans plusieurs salles de cinéma de New York. Mercredi 7 juin, Robert De Niro, cofondateur de l’événement avec Martin Scorsese, se réjouissait, peu avant l’ouverture : « L’année dernière, nous avons fait un festival virtuel tant ça allait mal. Cette année, nous refaisons surface, nous sortons de ça et passons à l’étape suivante. » Le coup de génie, c’était même d’offrir des séances gratuites et… en plein air. Dont la qualité n’a jamais été aussi dégradée en cinquante ans.

Mercredi, à New York, les yeux piquaient, les gorges grattaient et, en fait de normalité, c’était celle de 2020 qui refaisait son apparition, avec les masques ressortis des tiroirs. La fumée des quelque 400 incendies qui ravagent les forêts du Canada s’est concentrée au-dessus de la ville, gommant le haut des gratte-ciel légendaires, estompés dans un coton sépia.

Le festival, depuis, « surveille la situation de près et suit les recommandations » des autorités municipales. Le maire, Eric Adams, a recommandé « à tous les New-Yorkais de limiter toute activité à l’extérieur autant que possible ». Il a ajouté : « C’est vrai en particulier pour les personnes âgées, les gens qui souffrent de maladies chroniques ou ont un système immunitaire affaibli, ou les jeunes enfants, qui courent tous un risque élevé. Évitez de sortir, à moins que ce ne soit absolument nécessaire. Pour ceux qui doivent être dehors, un masque de haute qualité, comme N95, KN95 ou KF94 est recommandé. »

Mercredi matin, la qualité de l’air était évaluée à « très mauvaise pour la santé » avant d’atteindre le niveau « dangereux » dans l’après-midi. Jeudi, elle était repassée à « mauvaise pour la santé » et devait atteindre le niveau « mauvaise pour la santé pour les groupes à risque » ce vendredi.

Vols supprimés

Mais le niveau atteint mercredi après-midi a placé New York au rang peu enviable de ville dotée de la pire qualité d’air au monde, devant Delhi, en Inde. Sur une échelle de 0 à 500, elle a atteint 484 (le niveau « très dangereux » englobe la catégorie de 300 à 500). À ce niveau d’alerte, « toute la population est plus susceptible d’être affectée », selon l’Agence de protection de l’environnement.

En cause, les particules fines. Celles-ci, mélanges de particules solides et de gouttelettes, peuvent, si elles sont d’une taille inférieure à 2,5 micromètres (1/7e du diamètre d’un cheveu), s’introduire dans les poumons et le sang et causer de graves problèmes de santé.

À LIRE AUSSIClimat : le « budget carbone » de l’humanité se réduitKathy Hochul, la gouverneure, a annoncé que l’État allait distribuer un million de masques N95, dont 400 000 dans la ville de New York. « Vous n’avez pas besoin de sortir vous promener. Vous n’avez pas besoin de promener un bébé dans une poussette… ce n’est pas sûr de faire ça maintenant », a-t-elle recommandé. L’Agence américaine de l’aviation civile (FAA) a espacé le transport aérien et retardé voire supprimé des vols. Les sorties scolaires et événements sportifs étaient annulés et des écoles ont préféré assurer les cours à distance.

« Un autre signe du changement climatique »

New York est loin d’être la seule ville touchée. Cent millions d’Américains respiraient un air de mauvaise qualité ces derniers jours, dans la partie nord-est des États-Unis, de la ville de Chicago, dans l’Illinois, au Nord, à celle d’Atlanta, en Géorgie, au Sud. Washington, la capitale fédérale, et Philadelphie, capitale de la Pennsylvanie, ont aussi connu des niveaux inquiétants pour la qualité de l’air.

Cet événement est « un autre signe inquiétant de la façon dont le changement climatique affecte nos vies », a déclaré Karine Jean-Pierre, porte-parole de la Maison-Blanche, mercredi. Jeudi, l’air à New York avait commencé à se clarifier, laissant traîner sur la ville un voile laiteux.

À Brooklyn, les touristes avaient repris leurs traditionnelles photos des gratte-ciel de New York et du célèbre pont. « On peut respirer aujourd’hui, pas comme hier où c’était vraiment suffocant, même si la recommandation est toujours de porter son masque, parce que la fumée est bien là », disait Nelly, qui vendait des tickets de ferry – et portait son masque sous le menton…

Sécheresse record

Au Canada, les incendies ont déjà déplacé des dizaines de milliers de personnes. Après la province de l’Alberta (72 feux, à l’ouest du Canada), la Colombie-Britannique (72 feux), l’Ontario (56) et les Territoires du Nord-Ouest (12), le Québec (131 feux) est frappé par des incendies « jamais vus ». Près de 140 sont actuellement actifs, dont près d’une centaine sont totalement incontrôlés, selon la Société de protection des forêts contre le feu (Sopfeu). Et aucune précipitation n’est prévue avant lundi soir.

Le Canada dit pouvoir être en mesure de « couvrir à peu près 40 feux en même temps », d’après le Premier ministre de la province du Québec, François Legault. Les États-Unis ont envoyé plus de 600 pompiers pour aider les pompiers canadiens et Joe Biden a annoncé qu’il en enverrait davantage. Le Québec a enregistré 443 incendies depuis le début de 2023, contre 200 en moyenne à la même période dans les dix dernières années.

À LIRE AUSSI« Quatre vols dans une vie » : quand l’écologie nous coupe les ailesLa saison des feux, processus naturel de la forêt boréale canadienne, commence généralement en mai, au Québec et au Canada. Celle-ci est exceptionnelle, et a déjà atteint 1 400 % de la surface habituelle brûlée à cette époque de l’année. Beaucoup de feux ont été provoqués par des éclairs plus tôt ce mois-ci, mais des températures au-dessus de la normale et une sécheresse record ont causé des feux au Canada dès le mois de mai.

Selon l’agence des ressources naturelles du Canada, le changement climatique pourrait doubler la surface brûlée à la fin du siècle, ce qui pourrait entraîner des conséquences désastreuses, comme le manque de bois et la modification des essences d’arbres majoritaires dans les forêts.




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