Le pape nomme un évêque « coadjuteur » au diocèse de Fréjus-Toulon

Sortie de crise au diocèse de Fréjus-Toulon. Ce mardi, le Vatican a annoncé la nomination d’un « coadjuteur » aux côtés de l’évêque Dominique Rey. François Touvet, jusqu’ici évêque de Châlons, a été nommé au poste de « coadjuteur », sorte d’adjoint aux côtés de Mgr Rey, dont il prendra à terme la succession. Dominique Rey a été critiqué pour ses méthodes et sa gestion.
À ce poste, Mgr Touvet, 58 ans, aura la haute main sur l’administration, la gestion du clergé, la formation des séminaristes et des prêtres… Ce qui laissera bien peu de pouvoirs à Mgr Rey. « C’est une façon de le sanctionner sans l’humilier », analyse auprès de l’Agence France-Presse une source proche du dossier. Car Mgr Rey, 71 ans, considéré comme l’un des évêques les plus conservateurs, était au cœur d’une crise telle que le pape avait diligenté un audit en début d’année avant de statuer sur l’avenir de l’évêque.
Il ne s’agit pas ici d’un des nombreux scandales de violences sexuelles qui ont secoué l’Église (avec encore lundi l’annonce de la mise en examen de l’évêque de La Rochelle pour tentative de viol), mais plutôt de gouvernance. Issu de la communauté de l’Emmanuel (un symbole du « renouveau charismatique »), ce promoteur d’un catholicisme remusclé était critiqué au sein de l’Église pour son style qui a pu s’inspirer de pasteurs évangéliques américains.
« Contestation »
Sa politique d’accueil de communautés nouvelles faisait également débat, visant les traditionalistes et adeptes de la messe en latin par exemple, et d’autres charismatiques, venant en particulier d’Amérique latine. « On a fait venir des gens sans être très regardant », estime la source déjà citée, en soulignant que « là-dessus s’est greffée une contestation liturgique, sur laquelle il fermait également les yeux ». Mais dans une Église en crise des vocations, sa politique d’accueil avait permis « un réel dynamisme missionnaire » dans le diocèse, ajoute cette source.
Ce qui explique peut-être la décision de mardi, aux allures de mise sous tutelle, mais plus clémente que la révocation récente de l’évêque américain Joseph Strickland, un conservateur très critique envers le pape. S’il refuse l’étiquette « trop passéiste » de conservateur, Mgr Rey n’en avait pas moins apporté un soutien marqué en 2012-2013 à La Manif pour Tous qui s’opposait au mariage pour tous. L’accueil offert en 2015 à Marion Maréchal-Le Pen à une université d’été catholique avait aussi suscité l’émoi dans les rangs chrétiens.
Un âge limite de 75 ans
Fait rarissime, le Vatican avait suspendu en juin 2022 l’ordination de prêtres dans son diocèse de Fréjus-Toulon. Le pape avait ensuite diligenté une mission d’audit, menée en février-mars 2023 par Mgr Antoine Hérouard, archevêque de Dijon. Mgr Hérouard a rendu compte de cette « visite apostolique » début octobre au pape, lui présentant les conclusions de ses cent auditions d’une heure chacune.
La nomination annoncée mardi prévoit que Mgr Touvet prenne à terme les rênes du diocèse, car « lorsque survient la démission ou le décès de l’évêque titulaire, le coadjuteur prend immédiatement sa place sur le siège épiscopal », précise la Conférence des évêques de France. En attendant, Mgr Rey a la possibilité de rester en poste jusqu’à l’âge limite de 75 ans, sauf s’il démissionne de lui-même d’ici là.
Dans cette période de tuilage qui s’annonce, Mgr Touvet est décrit en interne comme « déterminé, calme, mais qui sait ce qu’il veut », en somme « quelqu’un d’assez classique dans son approche et qui saura parler aux traditionalistes sans se laisser marcher sur les pieds ». Beau-frère du général Pierre de Villiers, lui-même officier de réserve, il est issu d’une famille de militaires, ce qui peut être un atout dans ce qui est le premier diocèse militaire de France.