« Le Point » à l’avant-garde de la révolution des femmes en Iran


Depuis la mort de Mahsa Amini en septembre 2022, une vague de colère s’est emparée de la population iranienne contre ses dirigeants. « Le Point » a choisi de documenter cette révolte.








Par Armin Arefi


Depuis la mort de Mahsa Amini  en eptembre 2022 a Teheran par la police des moeurs pour un voile mal porte, une vague de colere sans precedent s'est emparee de la population iranienne contre ses dirigeants.
Depuis la mort de Mahsa Amini  en eptembre 2022 à Téhéran par la police des mœurs pour un voile mal porté, une vague de colère sans précédent s’est emparée de la population iranienne contre ses dirigeants.
© SalamPix / SalamPix/ABACA

Le nom de Mahsa Amini est entré dans l’histoire moderne de l’Iran. Il est devenu le symbole de la brutalité sans limites d’un régime théocratique et a cristallisé la rage de tout un peuple. Depuis la mort en détention de cette jeune femme de 22 ans, arrêtée le 13 septembre dernier à Téhéran par la police des mœurs pour un voile mal porté (« Jina Mahsa Amini ne croyait pas au voile », raconte son cousin au Point), une vague de colère sans précédent s’est emparée de la population iranienne contre ses dirigeants. En hommage à la victime, de nombreuses femmes n’ont pas hésité à ôter leur foulard obligatoire, et même à le brûler en pleine rue. Un geste inouï de défiance envers le régime que l’on avait jamais observé auparavant dans le monde musulman. La révolution « Femme, vie, liberté » était née. Et Le Point, à l’avant-garde de la contestation, en a immédiatement saisi la portée historique.

Dans l’impossibilité de nous rendre sur place, faute d’autorisation accordée par les autorités islamiques, nous avons recueilli d’innombrables témoignages d’Iraniennes et d’Iraniens n’hésitant pas à battre le pavé au péril de leur vie. « La mort de Mahsa Amini a représenté une étincelle », explique Niousha, « héroïne de la liberté » de Rasht, dans le nord du pays. « La colère couvait depuis longtemps au sein de la population. » Car derrière le port obligatoire du voile, c’est bien l’ensemble du régime iranien – et son idéologie islamiste – qui est dénoncé par les manifestants à travers le pays.

« Défaite de l’islamisme »

Quarante-quatre ans après la révolution de 1979, qui a abouti à la chute du Shah, le premier pouvoir islamiste de la région a échoué à mener à bien ses promesses de liberté et de justice sociale, rappelle le politologue Saeid Golkar, qui parle de « défaite de l’islamisme en Iran ». Pis, il a institutionnalisé le statut d’infériorité des femmes par rapport aux hommes. Si les Iraniennes sont omniprésentes dans la société iranienne, en étant par exemple majoritaires dans les universités, leur vie vaut toujours moitié moins que celle des Iraniens en matière d’héritage, de témoignage devant un tribunal ou de somme à rembourser à la famille d’une victime d’homicide.

Est-ce donc un hasard si c’est par des femmes que la révolte est arrivée en Iran ? C’est à des milliers de kilomètres de Téhéran, à Washington, où elle vit exilée, que la journaliste et militante iranienne Masih Alinejad a lancé en 2014 la première campagne contre le port obligatoire du voile en Iran. « Nous nous sommes rendu compte que le fait de ne pas pouvoir choisir ce que nous portions sur notre tête et d’être au contraire forcées de mettre un voile était la première des libertés qui nous étaient confisquées », raconte au Point celle qui est devenue « l’ennemie numéro un des mollahs ». Incapable de faire marche arrière sur le voile obligatoire, qui reste l’un des fondements de son islamité, la République islamique a tenté de tromper la communauté internationale en annonçant une fausse abolition de la police des mœurs, que nous avons immédiatement dénoncée. Elle a également tenté d’intimider ses opposants à l’étranger en menaçant leur famille en Iran, comme la manifestante iranienne à Paris Massi Kamari en a fait l’amère expérience.

Effroyable répression

Mais elle a surtout appliqué à l’intérieur du pays une effroyable répression contre la moindre voix dissonnante, qui a fait au moins 488 morts, dont 64 enfants et 39 femmes. « Au lieu de tenter de comprendre les demandes de la population, les autorités n’ont usé que de brutalité », souligne auprès du Point Javaid Rehman, rapporteur spécial de l’ONU sur les droits de l’homme en République islamique. « Ainsi, l’idée selon laquelle le régime iranien pourrait mettre fin à ses manifestations par la force a échoué. » Si les rassemblements de rue semblent aujourd’hui marquer le pas en Iran, la colère populaire s’exprime à la moindre occasion (commémorations religieuses, vague d’empoisonnement d’écolières…) et comble de l’irrévérence, le voile obligatoire n’est plus porté dans de nombreuses villes du pays. Si bien que certains opposants iraniens à l’étranger tels que Reza Pahlavi, le fils du dernier Shah d’Iran, se mettent déjà à rêver d’un « Iran post-islamiste » …




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