Les dépenses de défense mondiales chamboulées par la guerre en Ukraine


Publié le 15 févr. 2023 à 19:11

« L’ombre de la guerre ». Le titre choisi par l’Institut international pour les études stratégiques (IISS) pour le premier chapitre de l’édition 2023 de son rapport sur l’« Equilibre militaire mondial » donne le ton. L’année 2022 restera celle du retour de la guerre en Europe. L’invasion de l’Ukraine par la Russie, il y a près d’un an jour pour jour, puis l’enlisement du conflit ont modifié en profondeur les équilibres stratégiques et poussé nombre de pays à revoir leur politique de défense.

Les dépenses militaires ont ainsi connu une nouvelle hausse. Sur l’ensemble de l’année, elles ont dépassé le cap des 2.000 milliards de dollars. Un chiffre en hausse de 4 % sur un an, qu’il faut toutefois prendre avec prudence : l’inflation galopante a grevé les investissements. En valeur réelle, l’IISS estime ce montant à 1.700 milliards de dollars, en baisse pour la deuxième année consécutive.

Des dépenses grevées par l’inflation

En valeur nominale, les Etats-Unis font toujours très largement la course en tête, avec un budget de 767 milliards de dollars consacré à la défense l’an dernier. Ils devancent la Chine, qui a augmenté ses dépenses de 7 % pour atteindre 242 milliards de dollars. La Russie complète le trio de tête, à 88 milliards de dollars. Le leadership européen est quant à lui occupé par le Royaume-Uni (70 milliards), devant la France (54,4 milliards) et l’Allemagne (53,4 milliards).

Le Vieux Continent est évidemment le premier concerné par le conflit ukrainien. « L’invasion russe a redéfini l’environnement sécuritaire en Europe », note ainsi l’IISS, qui pointe que le « centre de gravité stratégique s’est déplacé vers l’Est et le Nord ». « Pour une décennie au moins, la Russie sera le souci numéro 1 » des Européens, souligne encore l’institut, qui ajoute qu’une vingtaine de pays se sont d’ores et déjà engagés à augmenter leurs dépenses de défense.

« Une nouvelle raison d’être » pour l’Otan

L’Allemagne a ainsi annoncé la création d’un fonds de 100 milliards d’euros pour se réarmer. En première ligne face à la Russie, la Pologne a prévu d’augmenter son budget de défense de 2 à 3 % dès 2023, tandis que la Finlande espère finaliser cette année son entrée dans l’Otan, en compagnie de la Suède. L’IISS relève d’ailleurs que « l’invasion russe a donné à l’Otan une nouvelle raison d’être », mettant cette nouvelle réalité en miroir des propos tenus par Emmanuel Macron en 2019, qui jugeait alors l’Alliance Atlantique « en état de mort cérébrale ».

Le soutien à l’Ukraine crée aussi « une opportunité pour accélérer la modernisation des équipements militaires », de nombreux pays de l’Est de l’Europe ayant notamment cédé à Kiev des munitions et du matériel datant de la Guerre froide qu’ils devront remplacer. Sur le terrain, l’IISS estime que « les forces armées russes ont souffert des pertes gigantesques en personnel et en équipements ». Moscou aurait ainsi perdu environ la moitié de ses chars de combat modernes, ainsi que 6 à 8 % de ses avions de combat tactiques.

La Chine toujours au coeur des préoccupations américaines

Mais le conflit ukrainien n’est pas le seul déterminant du nouvel équilibre mondial dessiné par le rapport. Celui-ci rappelle que, si les Etats-Unis « perçoivent la Russie comme la menace immédiate et mènent le soutien occidental à Kiev, […] leur attention à long terme reste centrée sur la Chine ».

En deux ans, Pékin a nettement gonflé sa flotte d’avions de transports et ravitailleurs. Le département américain de la Défense estime aussi que le pays s’est doté d’une nouvelle génération de sous-marins lanceurs d’engins, disposant d’un plus grand rayon d’action. Les tensions entre la Chine et les Etats-Unis restent concentrées autour de la question de Taïwan, revendiquée par Pékin et soutenue par Washington.



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