L’Etat relance la marine à voile


Cela va changer des « paquebots usines », voués à transporter plus de 5.500 croisiéristes et plus de 2.000 membres d’équipage, régulièrement dénoncés comme des désastres écologiques pour leurs émissions de particules.

Ce jeudi à Saint-Nazaire, le secrétaire d’Etat à la mer et à la biodiversité Hervé Berville et son collègue en charge de l’industrie Roland Lescure, assistent aux Chantiers de l’Atlantique à la découpe de la première tôle du « Orient Express Silenseas » : un nouveau concept de bateau de croisière haut de gamme à voiles, commandé par le groupe Accor propriétaire de la célèbre marque jadis réservée aux trains de luxe. Le navire devrait être lancé en mars 2026, en attendant son jumeau un an plus tard.

Pacte vélique

L’occasion pour le gouvernement de signer le même jour un « pacte vélique ». Un plan de soutien étatique à la filière encore embryonnaire, qui concerne à la fois des navires de passagers ou de marchandises. Le but : capter au moins 30 % du marché mondial, dans un horizon assez lointain, de ces navires mixtes, à voiles et à vapeur au GNL en fonction des conditions de navigation.

Plusieurs entreprises sont déjà actives, et d’autres vont arriver. Il y a une dynamique en France que nous soutenons », explique aux « Echos » Hervé Berville. L’an dernier, les aides à la propulsion vélique avoisinaient le million d’euros, et les suivantes seront incluses dans un plan plus vaste, consacré à la décarbonation du transport maritime, annoncé par le président Macron lors des dernières Assises de l’économie de la mer en novembre 2023.

Soit au total 1,5 milliard d’euros à rassembler, avec plusieurs véhicules financiers. En l’occurrence 500 millions d’argent public pour un milliard de fonds privés, « pour faire levier ensuite », selon le secrétaire d’Etat. « Il s’agit d’un outil pour faire travailler tous les acteurs ensemble ».

Sur la seconde enveloppe, le patron de CMA CGM Rodolphe Saadé l’abondera à hauteur de 200 millions. Le reste devrait venir d’investisseurs bancaires ou financiers. « Garanties, prises de participations, capital-risque, ce n’est pas une enveloppe fermée », détaille le secrétaire d’Etat.

Un projet poussé depuis longtemps

En attendant de rassembler cette somme, beaucoup de projets ont déjà démarré sur le thème de la décarbonation des océans. Dans les navires de croisières, Accor a succombé au projet Silenseas, poussé par les bureaux d’études des Chantiers de l’Atlantique depuis 2018, après abandon de projets de bateaux beaucoup plus massifs.

Ses deux paquebots de luxe de 220 mètres de long seront dotés de trois gréments de deux voiles chacun, soit 1.500 m2 de surface vélique par mât, associés à une propulsion hybride au GNL pour les jours sans vent. Voire de l’hydrogène vert quand cette ressource sera disponible. Avec 120 passagers maximum et des suites de 70 m2 en moyenne, le but n’est pas de rivaliser avec les méga-paquebots de MSC Croisières ou Carnival, mais de réconcilier tourisme et environnement.

Un concept qui n’est pas sans rappeler les célèbres Club Med 1 et 2, longs navires à voiles commandés aux Chantiers du Havre (ACH) et lancés dans les années 1980, mais sacrifiés par la suite sur l’autel du diesel.

Débouchés dans le cargo

Outre les croisières, d’autres déclinaisons à voiles sont en route. Comme le navire roulier de 136 mètres conçu par Neoline , actuellement en cours de fabrication chez le chantier naval turc RMK Marine, avec un grément conçu par les Chantiers de l’Atlantique. Prévu pour l’été 2025, le navire avec deux mâts en carbone sera propulsé par des voiles quand la météo sera de la partie. Capable d’embarquer jusqu’à 265 conteneurs de 20 pieds, ou des marchandises diverses.

Autre exemple, le navire Canopée de l’armateur Jifmar, chargé d’acheminer les éléments de la prochaine fusée européenne Ariane 6 vers la Guyane. A chaque fois, le principe est de faire appel au vent, avec un appoint hybride d’un autre mode de propulsion, en fonction des conditions de transport.



Lien des sources