Loïc Bey-Rozet met la voiture dans tous ses états


Un amoureux de mécanique pourrait considérer que Loïc Bey-Rozet est passé du côté obscur. Il vendait des voitures. Maintenant, il les compresse. Cela ne serait pas lui rendre justice. Le directeur général de l’entreprise Indra, siégeant à Villefontaine, en Rhône-Alpes, et spécialisée dans la destruction automobile, précise surtout qu’il les recycle.

Une activité anoblie par la loi Agec, qui depuis trois ans, sème ses mesures anti-gaspillage. Parmi elles, l’incitation au prolongement de la durée de vie des objets avec l’utilisation de pièces détachées. Et Loïc Bey-Rozet, qui ouvre, ces jours-ci, des filiales en Turquie et en Finlande, veut que la pratique gagne du terrain à travers le monde.

Renault et Suez comme actionnaires

Car loin de l’idée sale et huileuse qu’on pourrait avoir des casse-auto, Indra s’appuie sur un concept de chaîne de démontage automobile propre et bien rodée, dont ressortent d’un côté des pièces détachées tracées, et de l’autre, de la matière vendue au poids. « Lorsque l’on m’a proposé ce poste, j’étais inquiet, se rappelle Loïc Bey-Rozet. J’avais plus l’idée de ‘Max et les ferrailleurs’, que celle de cette entreprise au beau potentiel de recherche et développement, avec Renault et Suez comme actionnaires. »

En prenant le gouvernail, le diplômé de l’Ecole des affaires de Paris a trouvé une PME de 280 personnes qui ne tournait pas très bien. Le chiffre d’affaires reposait essentiellement sur la prime à la casse, qui n’avait pas vocation à durer. L’entrepreneur a donc inversé la tendance en misant tout sur la R&D, et en dupliquant ce modèle élaboré de chaîne de démontage.

Des usines clés en main

Indra compte aujourd’hui 200 personnes, réalise 75 millions d’euros de chiffre d’affaires et revend des usines de recyclage clés en main au Portugal, en Angleterre, en Espagne, en Inde…

L’occasion pour Loïc Bey-Rozet de renouer avec les voyages qui ont rythmé son enfance. Son père était diplomate. Le rejeton a trottiné derrière les valises. « L’Indonésie, le Honduras, la Colombie, le Liban… énumère-t-il. Je suis né au Maroc. Mon père parlait huit langues. Il m’a renvoyé en France pour que je passe mon bac et fasse des études ».

Des vérités différentes

Un peu déphasé, le jeune homme a trouvé ses compatriotes arrogants. Quelque trente ans plus tard, il estime encore que les Français et leurs dirigeants devraient cesser de donner des leçons à tout le monde.

« Indra a répondu à un appel d’offres au Maroc, explique-t-il. Avant d’envoyer des équipes, j’ai souhaité qu’elles rencontrent un Marocain qui les sensibilise à sa culture. Les voyages nous apprennent à nous méfier des certitudes, en montrant qu’il existe plein de vérités différentes. »

Chez Citroën par hasard

Après ses études, durant lesquelles il se faisait de l’argent de poche en travaillant comme Stewart chez Air France, Loïc Bey-Rozet est rentré chez Citroën, un peu par hasard. Il ne savait pas encore qu’il s’ouvrait les portes d’une longue carrière dans l’automobile. D’assistant régional à Toulouse, il est passé directeur de succursale, à Bordeaux. Puis, il a débarqué dans le marketing produit, à la division couleurs et garnissages. « Il y avait un côté très artistique » se rappelle-t-il, jovial.

Plus tard, il a repris la voie des succursales, avec la mission de redresser celles qui allaient mal. Il était directeur régional dans le Sud-Ouest lorsqu’il a été débauché par le constructeur Fiat en 1997. Il y est resté cinq ans avant de le quitter à la suite d’un remaniement.

En 2010, il a rejoint Indra. « C’est une personne avec une grande agilité intellectuelle, salue Laetitia Vaugelade, DRH de l’entreprise, déjà présente à son arrivée. Il fonctionne à la confiance, laisse beaucoup de pouvoirs aux uns et aux autres. Nous sentons notre travail reconnu. »

Un reproche néanmoins ? « Il écrit très peu », souligne la responsable. L’empreinte, sans doute, de ces cultures étrangères qui l’ont marqué, où la simple parole donnée a valeur de contrat…



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