Maisons fissurées : les députés étendent les zones indemnisables


Publié le 6 avr. 2023 à 19:34

​Le constat est unanime mais le remède divise la classe politique. L’indemnisation insuffisante des propriétaires de maisons fissurées par la sécheresse a fait l’objet d’un long débat jeudi à l’Assemblée nationale. Emmenés par Sandrine Rousseau, les députés écologistes ont défendu une proposition de loi sur le retrait-gonflement des sols argileux (RGA), qui peut rendre des logements inhabitables ou dégrader leur valeur. Jeudi soir, un premier article avait déjà été adopté.

Accéléré par le dérèglement climatique, le RGA menace la moitié du parc de maisons individuelles, soit plus de 10 millions de logements, selon le ministère de la Transition écologique. Or seule la moitié des communes touchées par la sécheresse sont reconnues en état de catastrophe naturelle (« cat nat »).

Nombreux litiges

Sur ces territoires, la moitié des demandes d’indemnisation sont rejetées par les experts des compagnies d’assurance, soulignent Sandrine Rousseau et Sandra Marsaud, députée Renaissance, dans un récent rapport d’information. Ces refus sont la source de nombreuses tensions et litiges opposant les assureurs aux habitants et aux maires des communes touchées.

« ​Le phénomène de RGA touche des millions de nos concitoyens qui sont démunis face à une procédure complexe et peu transparente et à des assureurs parfois prêts à ​beaucoup de choses pour ne pas les indemniser », a déclaré dans l’Hémicycle Sandrine Rousseau. Elle veut « envoyer le signal que le réchauffement climatique ne laissera pas des individus démunis, mais au contraire qu’il sera l’occasion de renforcer notre Etat social et protecteur ».

Pour multiplier par 2,5 le nombre de communes éligibles au régime d’indemnisation public-privé des catastrophes naturelles, la proposition de loi écologiste veut rendre automatique l’état de « cat nat » pour les communes, « si une année fait partie des dix plus sèches des cinquante dernières années ». Cet article a été adopté jeudi soir par 99 voix pour versus 79 contre.

Les discussions se poursuivaient sur une autre disposition : l’inversion de la charge de la preuve, prévoyant que les assureurs devraient à l’avenir prouver que les dommages ont été générés par une autre cause que la sécheresse.

Facture inédite en 2022

L’enjeu financier est important : pour 2022, la fédération France Assureurs estime à 2,9 milliards d’euros la facture des sinistres causés par la sécheresse. Du jamais vu depuis la création, il y a 40 ans, du régime « cat nat », qui partage la charge entre les assureurs privés et la Caisse centrale de réassurance (CCR). Et le coût devrait aller croissant.

Les députés NUPES soutiennent le texte, tout comme les Républicains qui souhaitaient toutefois l’amender car il « va sans doute trop loin », selon le député LR Pierre Vatin. Le Modem devait décider son vote au cours des débats. Horizons était contre.

Le gouvernement est lui aussi « défavorable » à la proposition de loi, a annoncé à la tribune Jean-Noël Barot, ministre de la Transition numérique. Un avis partagé par la députée Sandra Marsaud, qui regrette que Sandrine Rousseau n’ait pas attendu la fin de leurs travaux communs pour déposer son texte.

Ordonnance gouvernementale

Le ministre met en avant l’ordonnance gouvernementale promulguée en février pour augmenter de « 20 % » le nombre de communes éligibles au régime « cat nat ». L’objectif de l’Exécutif doit encore être précisé dans une circulaire avant l’été, et dans des décrets, en examen au conseil d’Etat pour deux d’entre eux.

La proposition écologiste rendrait le régime cat nat « moins souple, moins flexible », introduirait « du contentieux » et allongerait les délais d’indemnisation, affirme Jean-Noël Barot. L’exécutif chiffre à « 1 milliard d’euros par an » le surcoût pour le régime.

Il serait « répercuté sur les primes des assurés » ou dans le « phénomène de non-assurance, marqué dans certaines zones ». En comparaison, les mesures prévues par l’ordonnance auraient un coût annuel de 200 millions d’euros, selon la CCR.

Depuis 2015, le régime « cat nat » est en déficit chaque année et la CCR a dû, pour la première fois, puiser dans ses réserves pour rester dans le vert l’an dernier.



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