Pétrole : l’Irak lancé dans une course aux barils incertaine


L’Irak est de retour sur la scène pétrolière mondiale, mais à quel prix… Le surrégime de la production et le sous-investissement dans les infrastructures laissent planer de sérieux doutes sur la viabilité de son modèle. D’où l’urgence, comprise par le Premier ministre Mohammed Chia al-Soudani, en poste depuis un an et demi, de diversifier l’économie irakienne et le mix énergétique.

La deuxième intervention américaine en Irak, en 2003, n’a pas eu les mêmes conséquences que la première guerre du Golfe, qui avait largement endommagé les infrastructures pétrolières et fait chuter durablement la production. Mais l’industrie pétrolière en Irak n’a vraiment retrouvé ses pleines capacités qu’au début des années 2010 , alors que le centre de gravité était déjà largement orienté vers le sud du pays, avec le champ gigantesque de Rumaila, au détriment du nord, coeur historique de l’activité pétrolière, perturbé par la guerre avec Daech.

Plan de développement

Cette menace n’a pas disparu, les tensions entre sunnites et chiites, ou entre les Etats-Unis et les milices pro-iraniennes, non plus. Mais l’appareil de production pétrolier tourne de nouveau à plein régime. La production totale du pays a atteint un record en 2022, à 4,4 millions de barils par jour, quand elle ne dépassait guère les 3 millions sous Saddam Hussein. Si bien que l’Irak a retrouvé son rang de deuxième producteur de l’Opep, derrière l’Arabie saoudite.

Et si la production doit être freinée cette année par les quotas de l’organisation, l’Irak mise plus que jamais sur le pétrole, qui génère plus de 60 % des richesses du pays. Le gouvernement veut faire passer les capacités de production de 5,4 millions de barils par jour à 7 millions en 2027.

Un obstacle de taille à cette course aux barils : les infrastructures sont vieillissantes, et les capacités d’exportation limitées, notamment à cause d’un différend avec la Turquie sur l’oléoduc Kirkouk-Ceyhan. Enfin, les tensions sont encore vives entre la région autonome du Kurdistan et Bagdad sur la propriété des hydrocarbures de cette région…

La Chine en embuscade

Si le pays veut développer ses revenus pétroliers, l’Irak aura besoin d’attirer et de rassurer les investisseurs. La taille (l’investissement est l’un des plus importants jamais effectués par une entreprise occidentale) et la structure du contrat avec TotalEnergies, avec un partage des bénéfices, sont un premier pas dans ce sens. ExxonMobil, qui a quitté le pays, et Shell qui y a abandonné le pétrole et un projet d’usine pétrochimique, n’ont pas eu la patience d’attendre.

Les parts de marché ont vite été saisies par les pétroliers chinois. Les deux tiers de la production et 34 % des réserves irakiennes seraient désormais sous contrôle chinois, selon S&P Global. Et 35 % du brut irakien est exporté vers la Chine. « Bagdad ne veut pas trop dépendre de la Chine, il y a des opportunités à saisir », souffle toutefois un connaisseur.

TotalEnergies en est persuadé : ses intérêts convergent avec ceux de Bagdad, qui veut en finir avec le torchage, équilibrer son mix énergétique et profiter des économies sur certaines ressources, comme l’eau, pour développer d’autres secteurs, comme l’agriculture. Mais les risques d’instabilité sont toujours grands et le pays a besoin de prix du baril élevés pour équilibrer son budget : 97 dollars cette année en moyenne, 103 l’an prochain, bien au-dessus des niveaux actuels…



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