Produits laitiers : la France pourrait ne plus couvrir ses besoins à partir de 2027
Publié le 19 sept. 2023 à 18:46
Le pays aux 1.500 fromages va-t-il devoir importer du lait ? La question se pose avec acuité alors que l’abandon des fermes laitières n’est plus un épiphénomène et que le métier peine à recruter. La traite des vaches ne fait plus rêver, les plages horaires et les astreintes liées au métier non plus. Résultat, la chute de la collecte laitière s’accélère. En mai, elle a atteint « un creux de -3,4 % rarement observé », selon l’Institut de l’Elevage (IDELE). En cumul au premier semestre, la collecte s’est rétractée de 226.000 tonnes en baisse de 2,1 % par rapport à la même période en 2022.
Face à cette détérioration de la situation, l’industrie laitière se dit « très préoccupée ». « Si on ne fait rien, la France perdra sa souveraineté en 2027 », prédit François Xavier Huard, le directeur général de la Fédération des industries laitières. Un comble quand on regarde le poids économique du secteur, qui compte les plus gros acteurs mondiaux avec Lactalis et Danone.
Le couteau suisse de la filière
« L’idée n’est pas de s’apitoyer sur notre sort mais de se remettre en selle », dit encore François Xavier Huard. « On peut relever ce défi à condition de faire en cinq ans deux fois plus d’investissements que ceux qu’on a pu faire ces dix dernières années ».
Le moment est d’autant plus opportun que certains concurrents parmi les plus productifs abaissent leur garde, laissant augurer de potentiels gains de marché. Ainsi l’Irlande, qui jouit de coûts de production très inférieurs à la France liés à son mode d’élevage extérieur, a décidé d’abattre 200.000 vaches d’ici trois ans. Les Pays-Bas, adeptes de l’agriculture intensive sont aussi sur la voie de la modération.
Les industriels français refusent de jouer cette carte. Ils sont convaincus qu’ « une autre voie est possible. Il faut et on peut maintenir les volumes ». Cet objectif fait l’objet d’un consensus entre éleveurs, entreprises et distributeurs, mais il suppose de profondes modifications de l’appareil de production existant. Parmi les pistes évoquées et qui tiennent lieu de « trajectoire du futur » pour le secteur, la FNIL évoque le rendement laitier. « La France avec ses exploitations familiales est loin d’être un modèle intensif. Nous avons de la marge », poursuit François Xavier Huard.
Innovations à tous les étages
L’alimentation est un bon moyen de jouer sur la productivité laitière. Des gains de 10 à 15 % sont possibles. La génétique est une autre piste à condition que les choix se fassent dans « le respect de la diversité des races ». Autres « propositions phares » de cette trajectoire du futur laitier, le développement des capacités d’innovation des entreprises, tout comme leur émancipation des énergies fossiles. Les industriels devront investir dans des chaudières fonctionnant à la biomasse. Renouveler « tous leurs véhicules de collecte », pour qu’ils fonctionnent aux biocarburants et équiper leurs bâtiments de panneaux photovoltaïques.
Procès récurrent fait à l’élevage, les émissions de méthane peuvent être notablement diminuées, selon la filière, en actionnant divers leviers. L’alimentation des vaches, enrichie d’additifs naturels aux algues rouges, en est un. Ces additifs ont la capacité de réduire de 20 à 30 % les émissions de méthane.
Il existe également des types de bâtiments qui bloquent le méthane. Pas question en revanche d’équiper les vaches de masques recueillant ce gaz émis par les rots, même si de très nombreuses start-ups travaillent sur cette solution. La filière estime que c’est une option socialement inacceptable.
Pas question non plus de se lancer dans la vaccination des troupeaux qui limiterait les émissions de méthane, pour les mêmes raisons d’acceptabilité. L’industrie est très attentive aux solutions proposées par certaines start-ups. Elle a créé un prix de l’innovation, qui a motivé beaucoup de candidatures, débouchant sur des projets tels que les pots de yaourts compostables et le recours à l’intelligence artificielle pour optimiser les cycles de nettoyage des usines et réduire les volumes d’eau utilisés.