Quand la digitalisation bancaire exclut les seniors

Les relations entre les banques et leurs clients seraient-elles en train de se déshumaniser ? Faire un virement, consulter son compte, désactiver sa carte… Vingt ans après le début de la numérisation des services bancaires, presque n’importe quelle opération peut être réalisée en ligne, sans intervention humaine. De quoi favoriser une restructuration profonde des banques : dans une logique de réduction des coûts, les fermetures d’agences se multiplient et certains établissements taillent dans leurs effectifs. Une transformation rendue d’autant plus nécessaire que la concurrence des néobanques s’est accrue.
Mais certains clients peinent à maîtriser les outils essentiels à cette transition, qui s’est accélérée à la faveur de la pandémie. Selon l’Insee, 17 % de la population française éprouve des difficultés avec le numérique, que ce soit faute de compétences ou d’équipement. Cet « illectronisme » touche principalement les plus de 75 ans – 53 % d’entre eux n’ont pas accès à Internet depuis chez eux – et les plus précaires.
Alors que la défenseure des droits alertait, dans son dernier rapport, sur « les effets brutaux que peut avoir une dématérialisation excessive » des services publics, le mouvement semble de la même manière laisser des usagers du secteur bancaire sur le carreau.
Optimisation du temps
« Les lieux d’accueil sont digitalisés pour que les clients gèrent eux-mêmes leurs comptes et réalisent les opérations courantes en toute autonomie », note le rapport académique « Pratiques commerciales et populations vieillissantes » récemment relayé par l’AMF.
Les banques cherchent à réduire au maximum le temps de travail des chargés de clientèle consacré aux opérations courantes, à l’instar des demandes de retraits et virements de certaines personnes âgées – même si ces dernières sont parfois incapables de se débrouiller seules.
« Les compétences de nos banquiers, on les préserve pour des opérations complexes », explique un directeur d’agence cité dans l’étude. Les seniors en quête d’aide sont jugés « comme dilapidant le temps précieux des conseillers « fortement diplômés », surtout si ces clientes et clients souhaitent en profiter pour échanger quelques mots », formule le rapport.
Si la digitalisation facilite la vie des clients agiles avec le numérique, tout en optimisant le temps des conseillers et les coûts des établissements, elle se révèle ainsi être un facteur d’exclusion pour d’autres, mais aussi de perte de lien social. Guy Grandgirard, président de l’association de consommateurs ADC, dénonce « une dématérialisation à marche forcée ».
Dans ce contexte de forte digitalisation, l’étude préconise, pour les « clients perçus comme vulnérables », davantage de facilités pour échanger avec leur conseiller, les plus âgés ayant, « plus que d’autres, besoin d’alternatives humaines aux services numérisés, par téléphone ou en présentiel ».