Quand « Le Loup de Wall Street » se met à l’heure des réseaux sociaux


Publié le 17 déc. 2022 à 9:00

Jordan Belfort, immortalisé dans le film culte de Martin Scorsese, continue d’inspirer de nouvelles générations d’escrocs. Le gendarme américain des marchés financiers, la SEC, a accusé huit influenceurs d’une fraude massive réalisée aux dépens de leurs abonnés depuis janvier 2020. Ils auraient engrangé environ 114 millions de dollars de profits grâce à la technique du « pump and dump » (gonfler et larguer), rendue célèbre par « Le Loup de Wall Street », qui consiste à manipuler le cours d’un titre pour pouvoir le revendre à un prix artificiellement élevé.

« Pour leurs légions d’abonnés sur les réseaux sociaux, les huit accusés se sont présentés, pendant des années, comme des gourous de la sélection de titres dignes de confiance », souligne la SEC dans sa plainte. En réalité, ces « fraudeurs chevronnés », âgés de 24 à 38 ans, ont amassé leur fortune en « scalpant » leurs centaines de milliers d’abonnés, selon l’acte d’accusation publié par l’agence.

Villa luxueuse à Beverly Hills

Sur Twitter, mais également sur le site Discord, où ils avaient créé des forums, ils se sont bâti une réputation de traders partis de rien ayant réussi à faire fortune sur les marchés. Deux d’entre eux ont même lancé une chaîne YouTube cet été, intitulée « Goblin Gang » (gang des gobelins), où l’on peut suivre « deux day traders multimillionnaires qui filment leur vie pour qu’Internet la voie ». Ils y mettent en scène leur train de vie luxueux à Beverly Hills, une banlieue chic de Los Angeles, entre villas immenses, grosses cylindrées et jeunes femmes en Bikini.

L’appât du gain est le moteur de l’opération. Dans la vidéo de présentation, Tommy Cooperman explique avoir en un an fait fructifier 3.000 dollars en 4 millions de dollars, tandis que son compère Gary Deel (@notoriousalerts ou « Mystic Mac ») se vante d’avoir accumulé une fortune de plus de 10 millions de dollars. Pour les imiter, rien de plus simple, puisqu’ils proposent à leurs abonnés de suivre au jour le jour leur stratégie en Bourse, un privilège soi-disant accordé aux fidèles parmi les fidèles. En théorie, il suffit de répliquer leurs opérations pour réaliser les mêmes profits.

Le modus operandi est assez simple, comme souvent dans ce type de fraude. « Ils identifient des titres propices à une manipulation, acquièrent des positions importantes sur ces titres, puis recommandent ces actions comme de bons investissements à leurs abonnés », explique la SEC. L’un des accusés diffusait un podcast, dans lequel il présentait ses co-conspirateurs comme des experts reconnus, leur offrant ainsi une plateforme supplémentaire. Tout en assurant vouloir garder ces titres en portefeuille, ils profitaient de la hausse des cours provoquée par les achats de leurs abonnés pour les céder avec de jolis profits à la clé.

Mieux encadrer les influenceurs

Les actions sélectionnées affichaient généralement des petites capitalisations boursières, avec peu de volumes, ce qui leur permettait d’influencer plus facilement leurs cours. La SEC cite l’exemple de Camber Energy, pris pour cible à plusieurs reprises en quelques mois. En une occasion, en septembre 2021, ils ont réussi à alimenter une frénésie d’ordres d’achats qui ont fait passer le titre d’environ 50 centimes à plus de 3 dollars, avant de retomber brutalement dans la foulée. L’un des accusés a empoché plus de 4 millions de dollars sur cette seule opération. L’action Camber Energy s’échange ces jours-ci autour de 8 centimes.

Les accusés ont gagné en notoriété durant la vague des « meme stocks », en début d’année dernière. En plein confinement, des millions de particuliers ont investi en Bourse pour la première fois, attirés par l’expansion des offres de trading sans commission. Ces néophytes constituent des cibles alléchantes pour les escrocs en tout genre. Le problème se pose aux Etats-Unis comme en Europe. Le gendarme français des marchés financiers, l’AMF, travaille à une certification volontaire des influenceurs responsables . Au-delà de la seule finance, Bercy a récemment lancé un groupe de travail pour réfléchir à la meilleure manière d’encadrer leurs pratiques.



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