que contient le guide Evras, au cœur de la polémique en Belgique ?

C’est un décret qui ne cesse de faire débat en Belgique. Adopté à la quasi-unanimité par le parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, le jeudi 7 septembre, il oblige l’ensemble des élèves de sixième et de seconde, du sud du pays, à suivre des séances relatives à l’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle (Evras). Une décision loin de faire l’unanimité, rapporte Le Figaro.
Depuis l’adoption du décret, de nombreuses manifestations ont été organisées à Bruxelles. Dimanche 17 septembre, quelque 1 500 personnes se sont réunies près de la gare centrale pour afficher leur opposition à ces cours. Les slogans anti-Evras accompagnaient les nombreuses pancartes : « Ne touchez pas à nos enfants », « Nos enfants sont innocents ». Selon la RTBF, des personnes issues de la communauté musulmane et des militants catholiques ont participé à cette manifestation. L’association Innocence en danger, qui a pour but de protéger les enfants contre toutes formes de violences, était également présente.
Une indignation qui est parfois allée plus loin. En seulement quelques jours, huit écoles ont été vandalisées ou incendiées à Liège et à Charleroi. Les services de l’antiterrorisme et du renseignement ont annoncé suivre de très près cette situation. Le gouvernement belge pointe du doigt la responsabilité de « conservateurs religieux » et de « complotistes », qui mèneraient, selon eux, une campagne de désinformation. Le bourgmestre de Charleroi, Paul Magnette, qui est aussi président du Parti socialiste francophone, a, de son côté, fustigé « une forme de terrorisme », « des actes barbares », et promis que la police ferait « le maximum pour retrouver le ou les auteurs de cette infamie ».
Un document à l’origine de la colère
Les séances existent déjà depuis 2012, sur la base du volontariat, mais c’est le nouveau « guide pour l’Evras », publié en 2023, qui cristallise la colère. Car il doit servir de base de travail pour les psychologues, les professeurs et les intervenants qui animeront les séances devant les 110 000 élèves concernés en Wallonie et à Bruxelles, explique Le Soir.
Une fois dans l’année, lors d’une séance de deux heures, ils recevront des cours sur des thématiques relatives à « l’identité de genre, expressions de genre et connaissance sexuelle », aux « violences », à « la sexualité et les comportements sexuels » et au « corps et [au] développement humain », expliquent les auteurs. S’il ne se veut pas exhaustif, ces grandes thématiques seront adaptées à chaque « tranche d’âge ».
Ce document de 300 pages se veut « inclusif et non hétéronormatif », il ne considère donc pas l’hétérosexualité comme étant la norme. Selon les auteurs, il a pour objectif de « baliser l’ensemble des thématiques pouvant être abordées en Evras » en fonction « des besoins, des acquis et du développement psycho-affectif et sexuel » des élèves. Le rôle de ce dernier est alors primordial pendant les cours : « Ils·elles·iels doivent être considéré·es comme de véritables partenaires », poursuivent-ils.
Que contiennent les cours ?
Les élèves âgés de 9 à 11 ans discuteront donc des « modèles positifs LBGTQIA+ » et des « intersexuations ». Le guide précise également les « prérequis » indispensables : « Prendre conscience que l’identité de genre peut être identique ou différente, se rapprocher, s’éloigner, correspondre, ne pas correspondre, différer, osciller… de celle assignée à la naissance ». Les questions « du plaisir et de la sexualité » ainsi que la définition de « la pornographie » seront également abordées avec cette tranche d’âge.
Pour les 12-14 ans, le guide préconise de discuter de « la diversité des pratiques sexuelles (au-delà de la pénétration) » ou des « cinq sens et les sensations qu’ils peuvent apporter dans la sexualité (sensations de plaisir et de déplaisir) ».
À LIRE AUSSI Sans l’éducation sexuelle à l’école, « le porno devient un tuto » Le guide aborde également les normes de la société. Les plus jeunes aborderont ainsi le thème du « désir ou du non-désir d’avoir des enfants », partie durant laquelle l’adulte doit parler de « la parentalité » ou de « la pression sociale ». Le document invite également à la discussion autour de « la diversité des moyens d’avoir un·e enfant », en prenant le temps d’expliquer « la fertilité et l’infertilité », « les différents choix possibles en matière de procréation médicalement assistée », l’adoption ou la GPA (gestation pour autrui). « Il n’y a pas de meilleure façon de devenir parent·e·s », précise le guide.
Les élèves de maternelle et de primaire pourront également suivre des cours d’Evras, mais sur la base du volontariat des enseignants.
La désinformation des opposants
Sur les réseaux sociaux, les opposants à l’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle dénoncent un enseignement « honteux ». « Ils vont ôter tous les repères des genres de nos gamins », s’indignent certains. D’autres parlent même de « l’introduction de la sexualité et de la pédophilie dans les écoles », quand certains affirment que leurs enfants ont été obligés de se dénuder en classe. Une désinformation provenant des milieux ultraconservateurs, notamment d’associations islamiques et de Civitas (catholiques intégristes).
À LIRE AUSSI Chez les jeunes, la culture du viol persisteCaroline Désir, la ministre francophone de l’Éducation, a dénoncé « une campagne de désinformation » destinée selon elle à « attiser la suspicion » et « faire peur aux parents ». « On ne va évidemment pas encourager une hyper-sexualisation chez les jeunes, ni susciter une orientation sexuelle ou une identité de genre. J’ai lu qu’on allait “apprendre aux enfants à se masturber”, c’est complètement inadmissible de faire peur aux parents sur ce sujet », a-t-elle déclaré sur la RTBF.
Son but est de « rassurer les élèves sur des questions qu’ils se posent à la puberté » et de les « protéger de situations potentiellement dangereuses ou problématiques », a insisté la ministre citant « sexisme, violences sexuelles, stéréotypes de genres ».