Que vaut la série « Zorro » sur Paramount+ ?
« Diego est juste mais lâche ; Zorro est courageux mais fou », avoue, déçue, Gabriella, l’épouse de Don Diego de la Vega alias… Incarnée par Audrey Dana, elle mettra huit épisodes à reconnaître son mari derrière le loup et la cape de son amant justicier. Et alors ? Avec Zorro, la série événement de Paramount+ et France Télévisions dont Jean Dujardin est la tête d’affiche, on est dans la parodie. L’acteur s’amuse à casser la légende et il n’est pas tout seul à le faire, bien servi par un sergent Garcia dépressif et philosophe (Grégory Gadebois), un Don Emmanuel magouilleur (Éric Elmosnino), un fantomatique Don Alejandro de la Vega (André Dussollier) et l’expressif serviteur muet Bernardo (Salvatore Ficarra). Avertissement aux fans de Guy Williams : le Zorro de leur enfance est mort et enterré. Mort de rire, s’entend.
Une fois ce parti pris accepté, il suffit de rentrer dans le jeu des scénaristes Noé Debré (Parlement, Le Dernier des Juifs) et Benjamin Charbit (Gagarine, Les Sauvages), qui font de Don Diego de la Vega un homme falot, écrasé par l’ombre du père et incapable de faire un enfant à sa femme, qui le trompe avec son double. Le voilà tiraillé entre son costume trop grand d’alcalde de Los Angeles et sa cape noire de Zorro, toujours prêt à manier l’épée, mais sans jamais verser de sang. Comique de situation, gags et dialogues au second degré… On rit des déboires de ce Zorro déconstruit qui n’est pas loin de finir sur un canapé… à regarder Zorro !
Zorro, le 6 septembre sur Paramount+, puis sur France Télévisions pour les fêtes de fin d’année.
> Bande dessinée
D’or noir et de sang
La BD met le western à l’honneur ces derniers temps, qu’il se décline en série façon Blueberry (le sépulcral Undertaker de Xavier Dorison et Ralph Meyer) ou en farce parodique (le Ducky Coco d’Anouk Ricard). Le scénariste Eldiablo, auteur de la série animée Les Kassos sur Canal+, et le dessinateur Djilian Deroche, eux, ont opté pour la fresque somptueuse et sanglante, avec cet envoûtant Carcajou. Ledit Gus Carcajou est le fils d’un aventurier et d’une Nakoda.
À LIRE AUSSI « Undertaker » : La BD a trouvé un successeur à « Blueberry »Rejeté par tous, il a cherché en vain un filon aurifère dans le Grand Nord canadien avant d’être lynché pour le crime de deux fillettes, dont il est, bien sûr, innocent. Le reste s’écrit dans le sang, qui teintera bientôt la neige des montagnes de l’Alberta. Leurs forêts impénétrables dissimulent en effet un mal aussi noir que le pétrole qui tourne la tête de la communauté de Sinnergulch, sur laquelle règne l’impitoyable Jay Foxton. Entre Twin Peaks et Deadwood,Carcajou hantera longtemps vos nuits, à l’image des wendigos, ces esprits maléfiques des Premières Nations autochtones. Romain Brethes
Carcajou, d’Eldiablo et de Djilian Deroche (Sarbacane, 224 p., 26 €).
En poche
Enfin un peu de douceur !
Dommage pour les chamallows sur la couverture. Mais c’est bien la seule mièvrerie de cet « éloge de la douceur » délicieux et subversif dont Stéphane Audeguy pose immédiatement les fondements. Non, « douceur » n’est pas « niaiserie », « infantilisme » ou « consensus » ; et non, elle n’exclut ni la fermeté ni la force : « Je propose d’appeler ici douceur l’ensemble des puissances d’une existence libre, affirme-t-il, définition générale, mais non vague, si l’on veut bien y réfléchir. » Si la douceur était « invincible » pour Marc Aurèle, elle est, pour Audeguy, un choix esthétique et éthique, une guérilla ouatée, une planque pour la joie ; et l’occasion de cette flânerie d’une grande fraîcheur qui, sans bruit et sans cri, lui redonne toutes ses lettres de finesse (dans l’ordre alphabétique, d’« Architecture » à « Haute couture » en passant par « Football », « Jazz » ou « Optimisme ») et fait taire tous les cynismes. Marine de Tilly
Petit Éloge de la douceur, de Stéphane Audeguy (Folio, 144 p., 3 €).
> Festival
La Villa fait son cinéma
Une bonne idée est souvent déclenchée par l’identification d’un manque. Encore faut-il savoir l’identifier. Le cinéma et l’art contemporain, par exemple, forment un couple solide et fécond… Et pourtant, qui s’y penche vraiment, malgré les réussites éclatantes de Steve McQueen, vidéaste devenu cinéaste avec Hunger (2008) ou Twenty Years a Slave (2014), ou les incursions à succès dans le 7 e art des plasticiens Philippe Parreno ou Clément Cogitore, avec, respectivement, Zidane. Un portrait du XXIe siècle et Goutte d’or ? Aussi veut-on saluer ici la belle idée qu’a eue Sam Stourdzé, directeur de la Villa Médicis, en offrant à ce couple encore trop discret, dans l’écrin même de l’Académie de France à Rome, un festival digne de lui. Et qui dure ! Cette année, c’est la 4 e édition du Festival de film de la Villa Médicis et, du 11 au 15 septembre, douze films mariant l’art contemporain et le cinéma et donnant à voir de nouvelles façons d’écrire avec les images s’affronteront en compétition. Sous le regard du public et des jurés Clément Cogitore, Vimala Pons et Rasha Salti, mais aussi celui des étoiles du ciel de Rome, non moins éternelles que celles du cinéma, dans une ville qui l’est tout autant. Christophe Ono-dit-Biot
Festival de film de la Villa Médicis, du 11 au 15 septembre, à Rome. villamedici.it
> Cinéma
La rupture est une fiesta
Jonas Trueba, fils du cinéaste Fernando Trueba, a pris l’habitude de broder autour de sa vie et de réaliser ses films avec une bande de fidèles. Il y retrouve sa compagne, Itsaso Arana, qui participe à l’écriture de ses scénarios et qui illuminait Eva en août (2019), et Vito Sanz. Dans Septembre sans attendre, les deux comédiens incarnent Ale et Alex, un couple qui se sépare après quinze ans de vie commune. Banal ? Non, car ils ont décidé d’organiser une fête pour célébrer leur séparation, au grand étonnement de leurs proches. Le cinéaste joue avec l’art de la répétition, au fil des invitations à la fête. Sa caméra aime prendre le temps de voir ses personnages marcher dans la rue, s’assoupir sur un canapé ou de discuter sur un lit. Jonas Trueba évite les clichés en reprenant les codes des comédies américaines du remariage des années 1930 et 1940. Un beau conte d’automne sous influence rohmérienne. Olivier Ubertalli
Septembre sans attendre, en salle.
> le coin du polar
Alfredo passe à table
Ah, le coup de la panne ! On pensait le connaître par cœur, mais il faut (re)lire Friedrich Dürrenmatt (1921-1990), grand écrivain et dramaturge suisse de langue allemande, qui lui a donné un bon coup de peps. Celui que sa voiture lâche s’appelle Alfredo Traps, agent général et représentant exclusif du tissu synthétique Héphaïstos. Le voici au milieu de nulle part, sans une chambre d’hôtel à l’horizon. On lui indique la maison d’un très vieil homme qui acceptera sûrement de l’héberger, à condition qu’Alfredo se plie aux règles du jeu auquel il joue avec ses vieux copains. Ils furent juge, procureur, avocat et bourreau. Il ne leur manque qu’un accusé. Autour d’un copieux repas, Alfredo va devoir plaider sa cause. Mais quel crime a-t-il commis ? Celui, peut-être, de cacher sous les atours d’une vie proprette des veuleries impardonnables. Quel plaisir que ce « procès dînatoire » truculent et sarcastique qui plonge dans les eaux troubles de nos consciences avec un éclat de rire… très noir. Élise Lépine
La Panne, de Friedrich Dürrenmatt. Traduit de l’allemand par Alexandre Pateau (Gallmeister, 112 p., 6,90 €).
> les choix du point
> Cinéma « Anzu, chat-fantôme »
Adapté du manga de Takashi Imashiro, ce film d’animation est peuplé de yokai, ces créatures surnaturelles qui fascinent les enfants japonais. Fruit de la collaboration entre le studio japonais Shin-Ei et l’entreprise française Miyu, projeté à la Quinzaine des cinéastes à Cannes et au dernier Festival d’Annecy, il déborde d’énergie positive. En salle.
> Exposition « Bonnard et le Japon »
L’hôtel de Caumont, à Aix- en-Provence, s’intéresse aux influences japonaises dans l’œuvre de Pierre Bonnard (1867-1947). Ou comment ce fils d’un chef de bureau au ministère de la Guerre, sans jamais voyager en Orient, confronta son inspiration à l’empire du Soleil-Levant, avec ses peintres, ses bonzes et ses samouraïs. Spectaculaire et apaisant. Jusqu’au 6 octobre.
> Série « La Voix du lac »
Dans cette série adaptée du roman du même nom de Laura Lippman (Actes Sud), la violence rôde et les pulsions les plus inavouables ne restent pas longtemps masquées par l’esthétique de l’Amérique des années 1960. Une époque qui, avec sa violence politique et ses débats sur l’identité, ressemble étrangement à la nôtre… Sur Apple TV+.