soirée de terreur et de tension extrême dans l’État hébreu




La rumeur a commencé à courir en début d’après-midi : le régime iranien compte mettre ses menaces à exécution et attaquer Israël. Au total, le régime de Téhéran a tiré, mardi 1er octobre, quelque 180 missiles en direction de l’État hébreu pour venger la mort de ses alliés, les chefs du Hezbollah libanais et du Hamas palestinien.

À 14 h 30, l’armée met à jour ses recommandations de sécurité pour toute la région Centre, notamment Tel-Aviv, Jérusalem et les villes environnantes : aucun rassemblement en plein air à plus de 30 personnes n’est autorisé, les plages sont interdites d’accès et il est possible de se rendre ou rester sur son lieu de travail uniquement s’il dispose ou est à proximité d’un lieu sécurisé qu’il est possible d’atteindre avant l’impact potentiel du projectile de guerre. À Tel-Aviv, c’est une minute et trente secondes. Le pays est en état d’alerte.

C’est une veille de fête en Israël, dernier jour d’école avant quatre jours de vacances à l’occasion de Rosh Ha-Shana, le Nouvel An juif, qui sera « célébré » mercredi soir. Mais, ici, on ose à peine se lancer le traditionnel « bonne année ». Les 101 otages toujours aux mains du Hamas, les dizaines de milliers de réservistes appelés au front et l’incursion terrestre au Liban entamée la veille, pèsent sur les esprits et l’ambiance. Le vœu est celui d’une « année meilleure », ou juste « banale, rien à signaler », sans y croire une seconde.

À LIRE AUSSI Mort d’Hassan Nasrallah : en Israël, un soulagement mâtiné d’interrogationsLes activités extrascolaires sont annulées les unes après les autres, l’angoisse monte et se répand. À 16 h 30, le journaliste Barak Ravid cite un officiel de la Maison-Blanche : « Les États-Unis ont des indications selon lesquelles l’Iran se prépare à lancer de façon imminente une attaque aux missiles balistiques contre Israël. »

« Notre protection n’est pas hermétique »

Deux heures plus tard, pour la première fois en Israël, un système de prévention automatique se déclenche sur les téléphones portables : « Veuillez vous rendre à proximité d’un abri, minimiser vos mouvements et éviter les rassemblements. » Le message apparaît soudain sur l’écran, la lumière du téléphone clignote pour ne surtout pas le rater. C’est une alerte urgente du commandement du Front intérieur de Tsahal. Dans un parc au centre de Tel-Aviv, des parents attrapent leurs enfants par la main et font mine de garder le calme alors qu’ils pressent le pas pour rentrer à la maison. Entre-temps des bruits de déflagration ont retenti. Des tirs de missiles venus du Liban et tombés dans la mer. Le porte-parole de l’armée, le général de brigade Daniel Hagari, apparaît face caméra pour la quatrième fois de la journée, signe indéniable de la gravité de la situation. « Notre protection n’est pas hermétique, je répète, notre protection n’est pas hermétique », insiste-t-il. Il demande à la population de suivre les consignes de sécurité et conclut avec sa promesse constante : « Je continuerai à vous informer, toute la soirée, à chaque instant et chaque développement, je serai là. » Celui qui était totalement inconnu du grand public avant le 7 octobre 2023 est aujourd’hui surnommé « le tranquillisant national ».

À LIRE AUSSI Attaque sur Israël : le pari fou de l’IranQuelques minutes plus tard, à peine 19 heures passées, panique à Jaffa, le quartier mixte de Tel-Aviv. C’est un attentat. « Nous étions au supermarché quand nous avons entendu les coups de feu, plusieurs rafales de tirs », raconte pour Le Point Eran Nissan, 33 ans, un habitant du quartier. « C’était effrayant. J’ai vu dans la rue une jeune fille qui avait reçu une balle à la main. Comme je suis secouriste, je lui ai apporté les premiers soins et alors que je lui mettais un garrot, il y a eu d’autres tirs. Moi et deux autres personnes avons compris que nous étions complètement exposés, nous l’avons traînée dans une pièce arrière et avons fermé la porte. Après quelques minutes, la zone s’est remplie de forces de sécurité et de secours. » Plus tard, la police annoncera que les tireurs étaient deux Palestiniens de Hébron âgés d’une vingtaine d’années. Le bilan est lourd : six morts et des blessés.

« Ma femme et moi sommes rentrés rapidement à la maison », ajoute Eran. « À peine arrivés à la maison, vers 19 h 30, nous avons reçu une alerte sur nos téléphones nous disant d’entrer immédiatement aux abris, et, deux minutes plus tard, il y a eu une sirène. Nous n’avons pas de pièce sécurisée dans la maison, alors nous sommes sortis nous abriter dans la cage d’escalier. Je portais encore mes vêtements imprégnés du sang de la jeune fille. »

À quelques kilomètres de là, dans un immeuble du centre de Tel-Aviv, où les voisins ont pour habitude de se contenter de la cage d’escalier, ça dévale les marches pour atteindre le bunker sous-terrain. C’est bien l’Iran qui tire, pas le Hamas ni le Hezbollah. Les tirs balistiques saturent le ciel, les alarmes retentissent encore et encore, les systèmes de défense aérienne israéliens se mettent en route, les alarmes retentissent encore et les visages se crispent. Soudain, c’est l’impact. Et puis un autre. Personne ne sait encore si les missiles ont atteint une cible ou bien s’ils ont été interceptés. Dans l’abri où les minutes passent, la chaleur augmente et l’inquiétude est visible sur les visages, dans les silences et les blagues forcées entre voisins étrangers de grandes villes. Les enfants et les jeunes ados essaient de faire semblant de rien. Les sursauts et les tremblements les trahissent.

Vers 20 h 10, après plusieurs minutes de calme, chacun rentre chez soi. Soudain, une notification visuelle et sonore apparaît de nouveau sur les téléphones. La confusion est totale, chacun court à nouveau vers les abris alors que l’on comprend qu’il s’agit en fait du message de l’armée qui autorise à peine à quitter les abris.

En tout, le régime des mollahs aura tiré sur Israël plus de 180 missiles balistiques, une attaque « environ deux fois plus large en termes de nombre de missiles balistiques lancés », que celle de la nuit du 13 avril, selon le Pentagone. Les systèmes de défense israéliens, assistés par les efforts des pays alliés, ont neutralisé et intercepté la majorité des missiles mais pas tous. Un immeuble des quartiers nord de Tel-Aviv et une école dans le centre du pays ont été touchés, notamment, sans faire de blessés.

À LIRE AUSSI Attaque sur Israël : « L’Iran s’est volontairement limité au seuil de tolérance du Dôme de fer » « L’Iran a fait une grave erreur et elle la paiera », déclare en toute fin de soirée le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou. « Le régime iranien ne comprend pas notre détermination à nous défendre et à riposter contre notre ennemi. »

Riposter donc, à la riposte de l’Iran qui se vengeait, selon les déclarations du régime, « des assassinats d’Ismaël Haniyeh, de Hassan Nasrallah et d’Abbas Nilforoushan », respectivement chef du bureau politique du Hamas, chef du Hezbollah et général de brigade iranien du corps des gardiens de la Révolution islamique.

En fin de soirée, une fois le coup iranien infligé, la tension retombe. Hagari annonce, un peu après minuit, les consignes de sécurité spéciales levées dans une grande partie du pays, notamment Tel-Aviv, Jérusalem et les villes environnantes. Jusqu’à la prochaine. « Nous déciderons comment réagir – quand, où et comment », a fait savoir Tsahal.




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