Taux : la Fed face à une équation complexe


Nouvelle semaine chargée pour la Réserve fédérale. Après avoir dû gérer en catastrophe la faillite de trois banques – SVB, Silvergate et Signature – puis les conséquences des remous sur Credit Suisse avec les autres banques centrales, la Fed doit décider ce mercredi si et avec quelle ampleur elle poursuit son mouvement de hausse des taux d’intérêt, aujourd’hui situés entre 4,50 % et 4,75 %. Son comité de politique monétaire se réunit dès ce mardi. Le président de la Réserve fédérale, Jerome Powell, aura sûrement aussi à se justifier, mercredi en conférence de presse, sur la politique de supervision de ses antennes régionales. La Fed de San Francisco, par exemple, a clairement failli à éviter le naufrage de SVB.

L’équation de la banque centrale américaine s’est beaucoup compliquée en dix jours : le tableau de fond reste celui d’une inflation toujours trop élevée (+6 % en février sur un an et +0,4 % sur un mois, selon l’indice CPI) par rapport aux 2 % recherchés, selon le mandat assigné à la banque centrale. Et le marché de l’emploi est encore tendu, avec plus de 300.000 créations nettes d’emplois en février. Avant la déroute de SVB, des économistes misaient sur une possible hausse des taux d’un demi-point, plus sévère que les deux dernières hausses d’un quart de point.

Effet de substitution

Mais la crise bancaire rebat les cartes : elle est d’abord liée au relèvement vigoureux des taux qui, mal anticipé ou mal géré par les banques, a dévalorisé leurs portefeuilles d’obligations. Si les taux continuent à monter, leurs pertes latentes pourraient se creuser, nourrir la défiance des déposants et ainsi les fragiliser davantage. D’autant que la crise devrait déjà les inciter à prêter moins aux ménages et aux entreprises, ce qui est le but recherché par les hausses de taux de la Fed. Goldman Sachs évalue entre un quart et un demi-point l’effet de substitution.

Dans le même temps, toutefois, les craintes sur la stabilité financière ont dopé les prêts de court terme proposés aux banques par la Réserve fédérale. Ces liquidités injectées dans le système financier effacent une bonne partie du chemin fait depuis plusieurs mois pour réduire la taille du bilan de la Fed. Une baisse de ses actifs qui était la première étape du resserrement monétaire, avant même le début de la remontée des taux, il y a un an.

Gérer les anticipations

Beaucoup dépend aussi des anticipations des ménages et des investisseurs. Le tumulte boursier a fait violemment chuter les rendements des obligations à deux, trois ou cinq ans ces derniers jours. « La crise bancaire actuelle a accru les risques pour l’économie et incité les traders à prévoir une fin plus rapide des hausses de taux et un virage vers des réductions de taux significatives cette année », décrypte dans une note John Canavan, d’Oxford Economics.

Les valeurs technologiques, qui n’aiment pas les taux élevés, ont aussi repris des couleurs en Bourse, un signe que les investisseurs parient sur une politique moins stricte de la Fed. Wells Fargo et Goldman Sachs misent ainsi tous deux sur une pause du resserrement monétaire ce mercredi. « Nous pensons que les responsables de la Fed partageront notre point de vue selon lequel les tensions dans le système bancaire restent la préoccupation la plus immédiate pour l’instant », estime cette dernière.

La BCE, qui a maintenu son tour de vis d’un demi-point pour les taux européens jeudi dernier, « offre un modèle pertinent pour la Fed », recommandent les économistes de Deutsche Bank : « relever les taux conformément aux attentes, abandonner les prévisions, mais signaler la poursuite du resserrement », détaillent-ils. Ils misent ainsi sur une hausse d’un quart de point ce mercredi, comme Citi.



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